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En débat

Heures sup : lâcher la proie pour l’ombre ?

mardi 19 février 2008

Lâcher la proie pour l’ombre ?

par Romain Gény

Le sous-paiement des heures supplémentaires pour les enseignants est sans doute un argument à avancer dans la bataille actuelle. Mais il doit être manié avec prudence.

Sans doute pouvons-nous nous servir de cet argument auprès des collègues qui hésiteraient à refuser les HSA, voire qui seraient convaincus par le slogan « travailler plus pour gagner plus ». Peut-être même pouvons-nous faire remarquer cette situation plus largement, pour contredire les discours gouvernementaux qui nous invitent à « payer de notre personne » pour gagner plus. Certains découvriraient peut-être à quel point notre profession est « privilégiée ». Mais faut-il aller plus loin et changer radicalement la position du Snes sur les heures sup ?

D’après Arnaud Parienty, revendiquer une revalorisation des HSA permettrait de montrer aux collègues, notamment les plus jeunes, que le Snes défend « aussi » leur pouvoir d’achat. Et en même temps, cela inciterait le ministère à moins recourir à ces heures supplémentaire, devenues trop coûteuses.

N’y a-t-il pas là un paradoxe ? Il s’agirait, si on comprend bien, de défendre le pouvoir d’achat des collègues en revendiquant la revalorisation d’HSA qui deviendraient moins nombreuses… comment, dans ces conditions, améliorer le pouvoir d’achat de tous ? N’est-il pas cynique de faire croire aux collègues qu’on défend leur pouvoir d’achat en augmentant la rémunération d’un dispositif appelé (si la stratégie fonctionne) à se raréfier ? Les collègues seront-ils vraiment dupes ?

Par ailleurs, comme Arnaud Parienty le dit lui-même, beaucoup de collègues ne veulent pas des heures supplémentaires, parce que leur charge de travail est déjà trop lourde. Si le Snes revendique une revalorisation des HSA, ne risque-t-il pas de s’éloigner des attentes des collègues, qui désirent peut-être davantage être mieux payé pour le travail qu’ils effectuent ? Dans l’Education Nationale comme dans beaucoup de secteurs de l’emploi privé, « travailler plus » est tout sauf une demande des salariés… parce qu’ils travaillent déjà plus, depuis bien longtemps, sans en voir la juste récompense.

Il semble y avoir, en outre, une vision assez paradoxale du rapport de force actuel : nous serions assez forts pour faire plier le ministère sur la revalorisation des heures sup (quand d’ailleurs nous n’y arrivons pas pour le point d’indice), mais pas assez pour convaincre les collègues de les refuser ? Le rôle du Snes est-il de convaincre le ministère en acceptant sa problématique (« travailler plus pour gagner plus »), ou de mobiliser les collègues pour imposer des revendications, et plus largement une problématique qui correspondent aux attentes de ces collègues, quoi qu’en pense le ministère ?

Demander la revalorisation des HSA serait une position en retrait, alors que le gouvernement lui-même est bien obligé de reconnaître que notre « pouvoir d’achat » a diminué. Ce serait accepter de jouer le jeu du gouvernement (des fonctionnaires moins nombreux mais davantage rémunérés – davantage, pas « mieux » ) et amener les collègues à lâcher la proie (une hausse substantielle du point d’indice) pour l’ombre (une revalorisation des HSA). Ce serait prendre le risque, également, de lâcher sur l’emploi sans même gagner sur les salaires. Tout ceci étant renforcé par la confusion entretenue par cette expression à bannir : « pouvoir d’achat ».

Nous devons demander, non pas une hausse du pouvoir d’achat, ou du « revenu », mais une hausse du salaire horaire au moins égale, chaque année, à l’inflation (et même supérieure !), et un rattrapage des pertes des dernières années. Nous avons déjà les arguments, ils sont incontestables ; c’est à nous de les imposer au gouvernement, et de convaincre les collègues que les heures-sup sont le meilleur moyen de ne pas obtenir notre juste rémunération pour le travail fourni.

Obtenir de tels engagements serait vraiment le moyen de défendre les intérêts de tous les collègues (en termes de salaires), de faire voler en éclat le discours sur le trop grand nombre de fonctionnaires, sans rien lâcher sur les suppressions de postes.

Demander une revalorisation des HSA serait au contraire un piège que nous nous tendrions à nous-mêmes, sur le court terme (postes, revalorisation des salaires) et le plus long terme (confiance des collègues dans notre défense de leurs intérêts).

Et si cette éventuelle revendication était entendue, on sait très bien ce qui se passerait : le gouvernement recourrait moins aux heures sup (tant mieux) mais ne créerait sûrement pas les postes pour compenser. Il trouverait d’autres solutions, qui sont d’ailleurs déjà prêtes (rapport Pochard, réforme des séries générales, audit sur les horaires-élèves, etc.).

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