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En débat

Contribution au sujet de l’évaluation et l’avancement.

Laurent Tramoni

lundi 23 janvier 2012

Le Ministère de l’Éducation Nationale a décidé de modifier les modalités d’évaluation et d’avancement de nos corps.

Un statu quo intenable Nous ne pouvons nous limiter à défendre l’existant : les collègues sont certes très attachés à la double évaluation mais beaucoup moins au système de notation, jugé opaque et infantilisant. Chez les enseignants, la notation administrative manque de crédibilité. Les collègues ne savent pas qui note (CE ou recteur), l’exercice semble trop formel et sans enjeu. La note pédagogique est mieux perçue, harmonisée, péréquée, mais elle n’est pas un rempart contre l’arbitraire (pas de contestation en CAP). Elle est trop ponctuelle pour permettre une vision complète de l’activité de l’agent. L’enquête du SNES de juin 2005 fait apparaître l’idée que l’inspection ne permet pas de prendre en compte le travail réalisé en dehors de la classe. Nos collègues soulignent de plus en plus le rôle du travail collectif dans l’activité enseignante, angle mort de l’évaluation individuelle.

Un choix de stratégie à faire Or, dans les objectifs mis en avant par l’administration, certains peuvent séduire nos collègues : évaluation collective, évaluation des besoins de formation et d’évolution professionnelle, entretien avec le CE ou l’IPR pour une meilleure reconnaissance du travail effectué... Même si nous savons que certains de ces éléments ne sont que des leurres, le trouble que cela pourrait engendrer, la cacophonie syndicale, la critique du conservatisme, pourraient nous priver de forces décisives dans les mobilisations et les négociations. A l’inverse, nos mandats de déconnexion de l’évaluation et de la carrière, alors pensée comme conseil et soutien à l’activité professionnelle, et d’avancement à un rythme unique, sur la base du grand choix, pourraient paraître trop utopiques, trop uniformes, … dans une profession ayant aujourd’hui intégré pour partie au moins les contraintes budgétaires et n’étant pas complètement insensible aux sirènes de l’individualisation. Ils sont pourtant parfaitement cohérents avec les principes de la Fonction Publique que nous portons et fonctionnels dans les plus hauts corps.

Le maintien d’un système de notation semble à l’heure actuelle un impératif pour le SNES, afin de garantir des procédures équitables d’établissement du tableau d’avancement. Même si cela peut paraître contradictoire avec le mandat de déconnexion de l’évaluation et de l’avancement.

Un système de notation alternatif ? En l’état actuel, nous n’avons pas de mandat sur ce point. Cela nous place d’emblée en défenseurs de l’existant. Position fragile. Le SNES pourrait-il élaborer des propositions alternatives crédibles qui permettraient de mettre la profession en mouvement, non seulement contre le projet ministériel, mais aussi pour une amélioration des procédures d’évaluation ? Ces évolutions seraient à concevoir en lien avec notre mandat sur le service et le forfait de deux heures pour dédommager entre autres le travail de concertation. Elles pourraient permettre de rompre avec le repli sur l’établissement qu’on perçoit de plus en plus en remettant au premier plan les logiques d’intérêt général qui président au statut de fonctionnaire de l’État On pourrait imaginer des évolutions du système de notation qui intègrent la dimension collective de l’activité et le travail « en dehors de la classe » aujourd’hui effectués par la plupart de nos collègues. L’enquête du SNES en 2005 faisait clairement apparaître la préférence de la profession d’une reconnaissance de ces tâches par décharge de service et leur refus de les voir prises en compte dans l’avancement d’échelon. Est-ce toujours le cas ?

Un exemple de proposition alternative de notation : On garde le cadre général que les collègues connaissent et auquel ils sont habitués (double notation) mais on introduit une plus grande lisibilité en introduisant deux nouveaux critères (implication/équipe) correspondant à l’activité réelle des collègues. Ces nouveaux postes (ou critères ou modalités) auraient pour finalité de moduler la notation en respectant ce qui a évolué dans nos métiers sans cependant tout bouleverser ou remettre en cause les garanties collectives d’équité. L’idée pourrait se résumer à barèmer la notation : à partir de là tout est une question d’équilibre. On pourrait également proposer de procéder de façon progressive, en expérimentant sur trois ans par exemple. Maintien de la notation globale sur 100 points.

Note pédagogique individuelle : note actuelle – 20 points (passage de 60 à 40 points, par translation uniforme de toutes les notes). La note pédagogique est mise à la suite d’une inspection pédagogique (inspection en classe puis entretien individuel) par un IPR de la discipline. Fréquence des inspections : tous les trois ans. L’inspection donne lieu à un rapport pédagogique (qu’on peut renommer compte-rendu littéral d’inspection), cosigné par l’IPR et l’agent, qui peut donner lieu à une réponse de l’agent, consignée dans le dossier, et éventuellement à une contestation devant un collège d’IPR ou un IG. Elle donne aussi lieu à notation, en vue de l’élaboration du tableau d’avancement. Si le compte-rendu d’inspection n’est pas contestable en CAP, la note peut l’être afin d’assurer l’équité du classement. La note est d’ailleurs proposée par l’IPR et arrêtée par le recteur. Note administrative individuelle : note actuelle – 20 points (passage de 40 à 20 par translation uniforme de toutes les notes). La note administrative est annuelle, proposée par le chef d’établissement et arrêtée par le recteur, après consultation en CAP. Elle apprécie la manière de servir de l’agent. Afin de tenir compte de la durée effective de la carrière, on peut imaginer une reventilation des notes dans l’échelle des 20 points. L’évaluation administrative donne lieu à un compte-rendu littéral qui accompagne la proposition de note. Note individuelle d’implication : Une nouvelle note permet d’apprécier l’implication de l’agent dans l’activité éducative et pédagogique de l’académie. C’est une note sur 20 points qui est réévaluée de façon triennale sur la base d’un rapport d’activité rédigé par l’agent dans lequel il doit faire apparaître les différentes activités complémentaires à son service d’enseignement auxquelles il a participé : actions de concertation, élaboration de projets pédagogiques, culturels, voyages scolaires, suivi des élèves, participation à des jurys, actions de formation continue, tutorat de stagiaires, … Un entretien professionnel avec un IPR (IPR de la discipline ou IPR chargé de suivre l’établissement) a lieu sur la base du rapport élaboré par l’agent et des évaluations administratives et pédagogiques des trois années précédentes. L’IPR rédige un compte-rendu d’entretien et propose une note individuelle. C’est le Recteur qui arrête la note, après consultation de la CAP. Cette évaluation n’est pas nécessairement couplée avec l’inspection pédagogique. Note d’activité d’équipe : Une nouvelle note permet d’apprécier la qualité du travail d’équipe réalisé au sein d’un collectif de travail. C’est une note annuelle sur 20 points sur la base d’un entretien professionnel collectif avec un représentant du recteur : chef d’établissement, IPR chargé de suivre l’établissement ou le service … Ce n’est pas une note uniforme pour tous, mais bien une note individuelle qui est élaborée en prenant en compte le travail collectif dans les différentes équipes : équipe pédagogique, équipe disciplinaire, équipe d’un projet … La note est proposée au Recteur et arrêtée par lui après consultation de la CAP (ou du CT ?).

Cet exemple de système alternatif de notation et d’avancement n’a pas d’autre fonction que de montrer que nous pourrions élaborer des propositions alternatives qui tentent de reformuler les principes auxquels nous sommes attachés tout en tenant en compte des critiques du système actuel. Construire des propositions alternatives avec la profession, qui marquent une étape vers la réalisation de nos mandats (rythme unique, inspection conseil), qui prennent mieux en compte la réalité de l’exercice du métier, cela peut nous aider à construire le rapport de force dans une double finalité : contrer les projets du ministère actuel, et imposer des évolutions dès que le contexte sera plus favorable. Il s’agit d’étayer une démarche de refus d’une réforme globale visant à la subordination au CE et à l’individualisation avec en filigrane la remise en cause d’un élément essentiel du statut, par une contre proposition qui inscrirait une rénovation de l’évaluation dans une approche respectueuse des principes statutaires. Ces réflexions sur l’évaluation des personnels ne peuvent se mener sans avoir en parallèle une réflexion sur les missions et les statuts des évaluateurs. Dans un contexte d’autonomie accrue et d’augmentation du pouvoir des chefs d’établissement, ne faudrait-il mettre en débat la suppression de cette fonction et son remplacement par un Président du CA élu parmi les pairs épaulé par un gestionnaire représentant l’État ? Tout dispositif d’évaluation alternatif suppose un plus grand nombre d’évaluateurs disciplinaires. Ne pourrait-on travailler à formaliser et encadrer le travail des chargés de mission de l’inspection en réfléchissant à un certificat d’aptitude à l’évaluation délivré par un jury national permettant de créer sur des bases objectives un vivier national de chargés de missions accrédités, en lieu et place de la cooptation par l’IPR ? Enfin, alors que le bon sens justifierait que l’évaluation soit faite par le supérieur hiérarchique direct, qui connaît le mieux l’agent, notre argumentation nécessite pour être entendue et comprise qu’on mène campagne auprès des collègues et des usagers sur les principes qui fondent le statut et la fonction publique.

Laurent TRAMONI

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