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En débat

Fin des certifiés… ou fin des agrégés ?

par Jacques Agnès.

dimanche 7 octobre 2012

A plusieurs reprises, en différentes instances, j’ai défendu l’idée que, pour concilier nos mandats d’élévation des qualifications des enseignants du second degré, de « faire du corps des agrégés le corps de référence du second degré » et de revalorisations de nos métiers en termes de refonte de grilles, de bonifications ou d’accélérations de carrière, comme de réduction de la charge de travail et du temps de service, nous devrions revendiquer clairement l’arrêt du recrutement des certifiés.

La première et principale justification de cette revendication est la suivante : dès lors que les enseignants du second degré sont désormais recrutés au moins au niveau M1 + concours — le niveau de qualification des agrégés quand les certifiés l’étaient au niveau licence plus concours — et a fortiori si nous aboutissons dans notre mandat M2 + concours, il n’y a aucune justification à ne pas recruter l’ensemble des enseignants du second degré dans le corps des agrégés.

Quand bien même cela n’en est pas la raison première, une telle mesure recèle un potentiel indéniable de revalorisations : les agrégés en début ou milieu de carrière seraient plus rapidement poussés vers le grade supérieur par ce recrutement massif ; les possibilités d’accès au corps des agrégés pour les certifiés, concours internes et listes d’aptitudes, seraient augmentées si l’on conserve les ratios actuels entre ces possibilités et le recrutement par concours externes, mais nous pouvons bien sûr demander l’élargissement de ces voies diversifiées ; les corps dont la grille est alignée aujourd’hui sur celle des certifiés, également recrutés au niveau du master, devraient avoir la grille des agrégés comme référence.

Or il me semble avoir à chaque fois été confronté à une stratégie d’évitement : pas de vraie contestation ou d’arguments opposés à ma proposition, mais pas de reprise claire non plus. En cherchant à comprendre cette attitude, j’imagine deux explications.

Il est possible que certains de mes camarades, qui approuvent ma proposition sur le fond se disent en même temps que ce serait trop beau pour être possible et que dans le contexte actuel, cette revendication n’est pas crédible et ferait donc peu sérieuse de la part du SNES. Si c’est le cas, c’est également le cas de l’ensemble de nos revendications, pour le système éducatif, pour nos métiers, pour les personnels. Nous avons déjà esquissé ce débat sans le pousser au bout. Je ne vais pas ressortir l’histoire du mortier lourd, mais nous devons décider si nous portons une revendication parce qu’elle est fondée, juste et cohérente ou seulement si nous pensons pouvoir aboutir rapidement. Si nous choisissons le deuxième terme de l’alternative, nous pouvons arrêter de consacrer autant de temps, d’énergie et de moyens à élaborer nos mandats ; mais en même temps cela change la nature de notre syndicalisme et nous place aux côtés de ceux qui ont théorisé le syndicalisme de la marge.

Il est également possible que cette revendication, parfois résumée par la formule ironique « tous agrégés », heurte la conscience d’appartenir à une élite restreinte de certains agrégés. Je ne fais évidemment pas ce procès à mes camarades UA en situation de responsabilité à différents niveaux. Mais peut-être surestiment-ils trop ce sentiment au sein de la catégorie. Une telle préoccupation n’est pas illégitime : les agrégés sont la catégorie d’enseignants la plus syndiquée au SNES et notre histoire peut témoigner de certaines crises traversées à l’occasion d’intégrations successives ; a contrario ces crises ont toujours été surmontées.

Mais surtout je souhaite attirer l’attention sur le risque que nous courons, alors qu’une loi d’orientation va bientôt être adoptée et que nos statuts et services sont sur la sellette, à laisser perdurer l’existence de deux corps d’enseignants recrutés au niveau du master ou à tout le moins à ne pas exprimer la revendication d’arrêt du recrutement des certifiés : dans un contexte de besoins immenses en heures d’enseignements et d’arbitrages budgétaires contraints, quelle que soit la « priorité » donnée à l’éducation, le choix sera vite fait par le pouvoir politique quel qu’il soit ; si nous n’ouvrons pas la perspective de la fin des certifiés, c’est celle des agrégés qui se dessine par raréfaction rapide des postes offerts au profit de postes de certifiés moins coûteux et offrant un potentiel plus large d’heures de service. Si certains sont tentés de refuser l’élargissement du corps des agrégés, quelles que soient leurs bonnes ou mauvaises raisons, ils risquent de voir ce corps dépérir et disparaître.

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