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En débat / Société

Violences dans les quartiers pauvres et dérives sécuritaires

dimanche 12 février 2006

On a longtemps pensé que la droite française était l’une des plus stupides. Illusion ou réalité ? Peu importe. Depuis environ deux décennies, le contexte politique international a permis à cette droite d’affirmer son engagement néo-libéral et d’ouvrir la porte à des dérives inquiétantes : concentration des pouvoirs, maîtrise de l’information, répression systématique de l’opposition syndicale, manifestations de xénophobie ou de racisme , exclusion organisée de certaines parties de la population (chômeurs, étrangers...) ; révision de l’histoire (coloniale en particulier, autoritarisme sécuritaire (état d’urgence...). Ces pratiques légitiment le discours de l’extrême-droite. Ce gouvernement, mieux que le précédent, maîtrise la rhétorique de l’effet d’annonce vide de contenu. Des exemples ? De Robien annonçant la suppression de la méthode globale ; Sarkozy évoquant la possibilité d’une organisation au niveau national des bandes de banlieues ; de Villepin suggérant la nécessité de l’apprentissage à quatorze ans...

La forme brutale et primitive de ces discours n’est pas une preuve de bêtise, mais bien d’intelligence politique. Il s’agit d’une forme assez simple de démagogie, d’un type de discours qui flatte une partie de la population et tente de l’emporter contre une autre, le tout visant à masquer les véritables problèmes et les vraies responsabilités. On peut toujours parier sur la bêtise, c’est plus facile que sur l’intelligence et l’éducation. Entre l’aliénation de la population et son émancipation, ceux qui ont des intérêts économiques à défendre ont choisi leur camp.

Si les idées ne sont pas neuves, puisqu’elles sont réactionnaires, le tissage, l’organisation des idées entre elles, est original. Concernant les violences récurrentes dans les quartiers pauvres des villes, il s’agit de l’accomplissement désordonné de pulsions, de tensions produites par la misère et le désoeuvrement. Seules une déstructuration de l’individu et surtout de l’organisation sociale de ces quartiers (chômage, ségrégation...) expliquent ces phénomènes. Dans ces conditions, tout ce qui structure, y compris les religions et le FN, a un écho dans ces quartiers. Les propos de Sarkozy sur le complot national des banlieues organisées est la manière la plus simple pour cacher la réalité, la contourner et désigner un coupable absent. L’annonce de de Villepin, reprise par de Robien, concernant l’apprentissage à quatorze ans est un passage à l’acte : la guérison par le travail. Ces jeunes, incapables d’apprendre à l’école, on va les mettre au travail dans les véritables lieux d’apprentissages : les entreprises, avec des bons profs : les patrons ! Le rôle de l’école dans la structuration de la République est nié et l’annonce de de Robien sur la méthode globale va dans le même sens. Tous les pédagogues savent que cette méthode n’a jamais été généralisée et qu’elle a des vertus à certains moments de l’apprentissage de la lecture, quoiqu’en pensent certains ignorants. Ainsi de Robien dénonce un coupable absent et casse l’enseignement primaire.

Le dernier maillon de cette chaîne idéologique que j’évoque ici est le traitement médical du problème social. Relisez ou revoyez Orange mécanique : Alex, jeune banlieusard ultra violent, est soigné avec une nouvelle méthode qui doit le purger de ses pulsions. La fin du film en surprend plus d’un car la violence d’Alex ressurgit. Il n’est pas guéri car le remède ne correspondait pas au mal. Nous n’en sommes pas encore là, mais pas loin. Il y a d’abord le rapport Bénisti (octobre 2004) qui devait soutenir le projet de loi Sarkozy sur la prévention de la délinquance : « les parents sont les principaux responsables et il faut soigner les enfants délinquants ». Ensuite, douze « experts » de l’INSERM établissent un rapport sur le « trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent » (septembre 2005). Ils préconisent un repérage précoce des troubles de la conduite (dès 36 mois !). Là encore la responsabilité des parents est centrale et le traitement des délinquants par les psychotropes est préconisé. Enfin, dans le domaine de l’enseignement spécialisé du primaire, la loi Fillon met l’accent sur une prise en charge médicale des difficultés de l’apprentissage. Par exemple, dans les troubles spécifiques de l’apprentissage du langage, on communique beaucoup sur le traitement de la dyslexie, de la dysphasie..., or ce genre de difficultés liées à des troubles physiologiques ne concerne qu’environ 4% des élèves sur les 20% en difficulté d’apprentissage dans l’enseignement primaire. Le médecin scolaire est au centre du nouveau système de remédiation. Dans tous ces exemples, il est clair que l’idéologie du pouvoir consiste à substituer des causes médicales individuelles aux causes sociales (les inégalités croissantes...). La cohésion sociale s’obtiendra-t-elle à coup de prescriptions médicales, M. Borloo ?

Posons les vraies questions, montrons les vrais responsables pour ne pas renoncer à la justice et à l’égalité, pour porter l’exigence du progrès social. Poursuivons par exemple la réflexion sur les conséquences de l’affaiblissement de l’Etat et des services publics, et donc sur les moyens de financer par l’impôt et de rétablir une solidarité entre les catégories sociales. D’autre part, continuons à proposer une école ambitieuse pour tous. Dans ce domaine, la solution ne passe pas par l’exclusion, mais par une réflexion sur l’échec, et des politiques ambitieuses. Tout élève est éducable, tout élève doit avoir de véritables perspectives. Notre revendication d’un développement cohérent des trois voies de formation, avec des passerelles permettant des réorientations positives est une solution. Une relance de l’éducation prioritaire, et pas par des primes ou des bourses au mérite qui stigmatisent encore plus les élèves en est une autre. La lutte contre l’inégalité scolaire nécessite des moyens, et l’effort principal doit porter sur le primaire, mais, dans le même temps, nous devons être offensifs contre le racisme, l’exclusion et le chômage.

Forts des résultats des élections professionnelles, le SNES et la FSU sont en mesure de poursuivre le combat social de l’école pour tous et ils n’ont pas le choix.

Toutes nos forces militantes, tous nos moyens d’information doivent être mis au service de cette lutte.

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