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Etats des lieux - Société

dimanche 16 avril 2006

Les caractéristiques les plus évidentes de notre société sont connues, décrites et ressassées.

En premier lieu, un volant permanent et massif de chômeurs constitue depuis trente ans la première des préoccupations sociales. Cette situation pèse sur le rapport des forces sociales et donc sur les salaires, les conditions d’embauche et de travail, les droits acquis antérieurement par les travailleurs. Depuis plus de dix ans, selon l’INSEE, sur une population active de 25 à 26 millions d’habitants, 7 millions de personnes sont, soit au chômage, soit dans diverses formes d’emplois précaires : lorsque, entre 2000 et 2002 par exemple, les statistiques du chômage officiel indiquent une amélioration de l’emploi, ce volant de 7 millions reste incompressible, voire tend à augmenter.

Plus récemment un nouveau phénomène, importé des pays anglo-saxons, est apparu, celui des « travailleurs pauvres » : ceux qui, même avec un emploi et un salaire régulier, ne peuvent plus se loger et doivent aux initiatives caritatives de survivre.

Chômage, précarité, pauvreté constituent donc un triptyque indissociable qui touche une population toujours plus grande : les « reculs » du nombre des chômeurs officiellement recensés ne profitent, en termes de statistiques, qu’aux emplois précaires, temps partiels imposés, stages non - ou à peine - rémunérés et voient s’accroître le nombre de RMI.

Un autre aspect de notre dérive sociale est probablement moins visible, parce que plus lent : c’est la disparition progressive, par paupérisation pour le plus grand nombre, des classes moyennes. C’était pourtant la plus belle invention du capitalisme : montrer, face au modèle alternatif de l’est, que le capitalisme - on disait alors « société libérale » pour éviter les gros mots - pouvait assurer à chacun confort et bien-être, bien davantage que le modèle « collectiviste » et ses prétentions égalitaires.

Sans prétendre établir des liens de causalité simplistes, on observera que la disparition du système économique et social alternatif - quelles qu’aient pu être ses propres aberrations - fut concomitante du début du phénomène de paupérisation des classes moyennes. Les signes en sont d’abord à peine perceptibles : la consommation de masse, la grande distribution, le crédit à la consommation généralisé permettent toujours d’accéder à un certain nombre de biens de consommation et de conforts ; mais le succès des commerces « discount », y compris pour l’alimentation courante, le surendettement croissant, lié aux crédits « revolving » ou « réserves d’argent disponible » traduisent cette difficulté à vivre croissante dans une tranche de la population qui se considérait naguère comme « vivant bien, sans luxe excessif, mais sans difficultés particulières ». Mais c’est au changement de génération que la paupérisation devient plus évidente : difficultés pour les enfants devenus adultes à trouver un travail stable et rémunéré selon les qualifications détenues, à se loger et donc à décohabiter, à s’installer en couple et à fonder une famille etc.

Cette disparition progressive des classes moyennes ne contribue pas peu à l’évolution de notre société de plus en plus duale : une minorité de privilégiés se gobergeant dans le luxe et une immense majorité de plus en plus démunie et pour qui la vie est de plus en plus difficile : dans ce groupe, avoir un emploi apparemment stable et avoir pu préserver quelques droits acquis par les luttes antérieures, constitue un privilège exorbitant ; le MEDEF, le gouvernement, les médias serviles et la CFDT ne cessent de le leur répéter.

L’absence de perspectives de promotion sociale pour le plus grand nombre se traduit également dans l’espace. Si la différence entre « les beaux quartiers » et les quartiers populaires est ancienne, les grands ensembles de l’après guerre avaient connu une certaine fluidité d’occupation : jeunes couples nouveaux parents, nouveaux citadins venus de la ruralité, rapatriés de l’empire colonial effondré, vagues successives d’immigrations. L’élévation du niveau de vie, dans la carrière ou au changement de génération, offrait une perspective de sortie de ces quartiers vers d’autres habitats (le pavillon individuel !??). La mobilité spatiale traduisait l’existence d’une certaine mobilité sociale. Aujourd’hui le blocage social entraîne une concentration spatiale des plus démunis dans des « quartiers » ou « banlieues » dont la perspective de sortie a disparu.

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