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En débat

Le projet de Traité Constitutionnel

samedi 25 décembre 2004

Les désaccords intervenus au cours de la Conférence Intergouvernementale de Bruxelles (décembre 2003) n’ont pas permis l’adoption du projet présenté par la Convention européenne présidée par Giscard d’Estaing. La reprise des négociations est de fait repoussée après les élections européennes et la mise en place de la nouvelle Commission et du prochain Parlement. A partir de l’automne 2004, c’est le Traité de Nice qui va régir le fonctionnement des institutions européennes.

En dehors des questions des droits, de l’Europe sociale, des services publics et de la laïcité, quatre questionnements ont dominé les débats sur les aspects constitutionnels.

Une Constitution bizarre

Une Constitution doit préciser les grands principes politiques que se donne une démocratie, ainsi que les modalités de désignation et de fonctionnement des institutions politiques.

Or ce Traité Constitutionnel fait bien plus que cela puisqu’il prévoit dans le détail (250 pages !) la réglementation européenne dans de nombreux domaines, ce qui donnera un pouvoir d’interprétation aux juges, et surtout inscrit comme principes constitutionnels des orientations politiques libérales (primat du principe de concurrence, pacte de stabilité, stabilité des prix comme seul objectif de la BCE,..) qui videront de tout contenu les choix politiques issus des élections.

La révision du traité n’étant possible qu’à l’unanimité, ces orientations seront inscrites dans le marbre constitutionnel pour longtemps.

Le processus de ratification du Traité fait débat : faut-il demander une ratification par référendum ?

Le projet de Constitution et le déficit démocratique

Certaines innovations sont justifiées par le déficit démocratique d’institutions européennes qui fonctionnent dans l’opacité et sans contrôle parlementaire et citoyen suffisant.

Renforcement des pouvoirs du Parlement européen : Le pouvoir de co-décision avec le Conseil passe de 37 domaines à environ 80. Il élit le président de la Commission (le Parlement dispose déjà du pouvoir de renverser la commission).

Renforcement de la capacité des parlements nationaux à exprimer leur point de vue sur des propositions législatives et contrôler le respect du principe de subsidiarité. Possibilité pour le tiers des parlements nationaux d’obliger la Commission à réexaminer l’une de ses propositions au Conseil, ou au Conseil et au Parlement.

Droit de pétition : un million de citoyens peuvent "inviter" la Commission à soumettre une proposition concernant l’application de la Constitution. Mais la Commission n’est pas tenue de donner suite et reste maîtresse du contenu de la proposition

Publicité des séances du Conseil quand il délibère sur une proposition législative.

Mais la démocratie dans le fonctionnement des institutions européennes est limité par :

- La limitation des pouvoirs du Parlement : Il est privé du droit d’initiative législative (seule la Commission a le pouvoir de faire des propositions de loi) et son pouvoir budgétaire est réduit. Dans les domaines de co-décision, il dispose plus d’un droit de veto (son vote négatif oblige la Commission à modifier sa proposition de loi) plus qu’un réel pouvoir législatif.

- Le poids de l’intergouvernemental : Les parlementaires européens sont de fait écartés du travail législatif qui se fait en amont. Les négociations se font entre administrations nationales et avec la Commission. Souvent, les désaccords sur les intérêts nationaux masquent les débats sur les orientations politiques.

La “ méthode de coordination ouverte ” a renforcé le pouvoir technocratique : sur les Grandes orientations de politique économique (GOPE), les retraites, l’éducation, ..... , la Commission compile des rapports faits par les différents gouvernements (sans consultation des parlements nationaux, ni en général des acteurs sociaux) et prononce, avec le Conseil, des orientations, qui n’ont fait l’objet d’aucun débat démocratique (pour les GOPE, le Parlement européen n’a que le droit d’être informé).

Or dans les divers comités d’experts qui tranchent ces orientations, les libéraux occupent en général des positions de pouvoir.

Plus d’efficacité en perspective de l’élargissement et plus d’intégration ?

L’efficacité est attendue :

- D’une plus grande légitimité des Institutions Le Président du conseil sera élu pour 2 ans ½ (au lieu de l’actuelle présidence tournante tous les six mois), le Président de la Commission sera élu par le Parlement (mais les candidats seront désignés par le Conseil ).

- D’une extension des domaines qui relèvent de votes à la majorité qualifiée

Mais de nombreux domaines restent soumis à la règle de l’unanimité, notamment pour les questions fiscales et sociales, la politique étrangère et de défense, le combat contre les discriminations, les entraves à la libéralisation des capitaux avec les pays tiers.

Le Royaume-Uni et l’Irlande disposent d’un pouvoir de blocage contre les avancées sociales, Le Luxembourg et le Royaume-Uni contre les paradis fiscaux. Le dumping fiscal et social ainsi organisé prive les Etats de ressources et de moyens de lutter contre les paradis fiscaux, le Royaume-Uni et l’Irlande disposent d’un pouvoir de blocage contre les avancées sociales.

L’intégration de nouveaux pays de l’Est ayant fait des choix libéraux renforce la crainte de dumping fiscal et social.

- D’une modification de la pondération des voix par pays et de la simplification de la définition de la majorité qualifiée Le Traité de Nice a accouché d’un système décisionnel qui semble impraticable à 25.

Le Traité de Nice avantage les pays intermédiaires : la Pologne et l’Espagne ont quasiment obtenu autant de voix que les grands pays. Un système compliqué (une décision est adoptée si elle réunit la moitié des Etats, 62 % de la population, et 72 % des voix au Conseil) permet à 3 ou 4 pays de constituer une minorité de blocage, ce qui, dans une UE élargie à 25, risque d’aboutir à une paralysie.

Le projet de Traité prévoit une représentation moins importante des pays intermédiaires (et plus forte des petits pays) et simplifie la règle de majorité (50 % des Etats et 60 % de la population). Ce sont ces dispositions qui ont été rejetées par l’Espagne et la Pologne en décembre dernier.

- De la procédure des coopérations renforcées
La possibilité donnée à certains Etats d’avancer plus rapidement dans l’intégration dans certains domaines existait déjà de facto (zone euro, zone Schengen). Elle est codifiée (autorisation votée par le Conseil à la majorité qualifiée, doit réunir au moins 1/3 des membres).

Dans le domaine de la défense et de la politique étrangère, la procédure est simplifiée : pas besoin d’autorisation du conseil, ni de nombre minimum (on parle alors de coopération structurée).

La procédure de coopération renforcée est présentée par la France et l’Allemagne comme une alternative à la possible paralysie des institutions à 25. Dans l’immédiat, elle concerne surtout une coopération militaire proposée par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Politique économique : orientations et cacophonie maintenues

La Partie III reprend tous les textes qui ont été adoptés dans les précédents Traités. Toutes les orientations libérales sont maintenues et acquièrent une portée constitutionnelle :

Politique économique encadrée par la monnaie unique dans une économie où “ la concurrence est libre et non faussée ”.

Primauté des Grandes orientations de politique économique (GOPE), notamment l’équilibre des finances publiques, sur les autres sujets investis par l’UE avec la méthode de coordination ouverte : la stratégie européenne de l’emploi, la protection sociale, l’éducation,...

Indépendance de la BCE dont le seul objectif est la stabilité des prix. Interdiction faite à la BCE d’accorder des découverts ou des crédits aux instances de l’UE. Maintien du pacte de stabilité (bien que les sanctions prévues par les textes aient été suspendues par un vote du Conseil Ecofin (ministres de l’économie) en novembre 2003. Budget européen limité (1,24 % du PIB européen) et insuffisant : une fois payés les fonds structurels et les dépenses agricoles, il ne reste plus rien pour financer de grands programmes de recherche ou d’infrastructures, .... Le 15 décembre les six principaux payeurs dont l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, ont déclaré vouloir étendre la rigueur budgétaire au budget européen et le limiter à 1 % du budget européen, au moment où l’élargissement imposera d’accroître les fonds structurels. En posant le principe de l’équilibre du budget européen, l’article 1-53 interdit à l’Union d’emprunter pour financer des grands travaux.

Stratégie européenne de l’emploi : la priorité est accordée à la réglementation de l’emploi et du marché du travail, ainsi qu’aux “ mesures actives ”, c’est-à-dire à la mise au travail des chômeurs par des subventions à l’embauche, l’accès à la formation,....Fondée sur l’hypothèse libérale d’une rigidité excessive du marché du travail, cette coordination des politiques européennes ignore l’exigence d’une politique économique plus favorable à la croissance et l’objectif de plein emploi.

Cacophonie : une autorité “ indépendante ” décide de la politique monétaire, on ne sait trop qui s’occupe de la politique de change (entre la BCE et le Conseil), et la politique budgétaire est partagé entre 12 politiques nationales.

Rigidité : la BCE est rigide, le pacte de stabilité aussi. Incapacité à réagir vite, à adapter la politique économique à l’évolution de la conjoncture.

Déficit démocratique : quel contrôle politique de la BCE ? aucun contrôle parlementaire sur les GOPE,....

Quelques pistes pour des alternatives de politique économique et sociale :
un budget européen plus conséquent, la possibilité pour l’UE d’emprunter ou permettre par sa garantie des crédits bancaires pour financer des investissements de long terme : recherche, infrastructures, fonds structurels pour les nouveaux pays, politique industrielle,... Mise en cause de la règle d’unanimité sur les questions fiscales et sociales pour lutter contre le dumping, l’appauvrissement des Etats et permettre des avances sociales.
Contrôle politique de la BCE, contrôle parlementaire renforcé sur l’élaboration et les orientations des politiques budgétaires, procédures de consultation des syndicats,... Imposer à la BCE un objectif de croissance et d’emploi, réviser le pacte de solidarité Coordonner les politiques économiques à partir d’objectifs démocratiquement débattus.
Reconnaissance des objectifs sociaux (plein emploi, solidarité, protection sociale) actuellement subordonnés aux GOPE et au dogme de la réduction des dépenses publiques.

INSTITUTIONS EUROPEENNES

Conseil européen Conseil des ministres Président élu pour 2 ans 1/2 Pouvoir législatif Grandes orientations - majorité qualifiée (80 %)
- unanimité pondération des voix Nice : 80 % des Etats, 62 % de la population, 72 % des voix en Conseil Convention : 50 % des Etats, 60 % de la population

Commission Parlement européen 15 membres avec droit de vote - pouvoir législatif (co-décision) monopole propositions de loi en fait droit de veto exécution budget et lois - peut censurer la Commission

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