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En débat

Investissement éducatif ?

samedi 17 mars 2007

Dépense utile et pas investissement

L’introduction aux thèmes du congrès (le contexte dans lequel s’inscrit le congrès) évoque, tout à fait normalement, les dépenses d’éducation et de recherche. Celles qui sont faites actuellement et celles que nous souhaitons voir décidées dans le cadre d’une autre politique.

Or, le texte emploie le terme d’ « investissement pour l’avenir » pour qualifier ces dépenses : « elle renonce (cette politique) à considérer les dépenses d’éducation comme un investissement pour l’avenir ». Un peu plus loin, « le SNES a une toute autre conception de la société de la connaissance dans laquelle l’investissement public est une priorité ». Et à la fin de cette introduction, « pour cela, il faut un investissement financier... »

Je me réfère maintenant au dernier paragraphe du thème 1 : « le SNES s’oppose au mécénat (meilleur que « sponsoring ») d’activités pédagogiques par des entreprises privées. Le MEDEF développe une campagne pour diffuser l’esprit d’entreprise, une morale fondée sur les valeurs de compétition entre les individus, chacun étant invité à devenir l’entrepreneur de lui-même, c’est-à-dire engager toute sa personnalité au service de l’entreprise. Le SNES s’oppose à cette normalisation des esprits, particulièrement en SES, et revendique au contraire un enseignement de la citoyenneté fondé sur la solidarité et le jugement critique ».

Ce dernier paragraphe, auquel je souscris entièrement, expose bien les dangers de la propagande du patronat et de l’Etat qui aboutit à transférer presque « naturellement » des concepts et des notions d’économie capitaliste dans la morale individuelle, voire syndicale, dans le langage courant.

Même si l’économie de la connaissance la meilleure ou la plus puissante du monde est un objectif du patronat européen (Lisbonne), même si on veut prendre le patronat à son piège en lui démontrant qu’il a intérêt à investir dans l’éducation et l’enseignement pour atteindre cet objectif, c’est nous qui tomberions dans le piège du patronat en utilisant leurs concepts pour nommer autre chose.

A partir du moment où on accepte l’idée d’investissement ailleurs que dans l’entreprise, on accepte les conséquences du développement de ce concept.

En économie capitaliste élémentaire, l’investissement est l’action de placer des capitaux dans un secteur économique ou une entreprise, pour en tirer des revenus.

(Craignons que, subrepticement, les autres sens de ce phonème ne nous subvertissent :

- Manœuvre d’approche et d’enveloppement pour dominer quelqu’un, capter sa confiance ou le séduire,

- Manœuvre stratégique qui consiste à invertir l’ennemi,

- Voire même, fixation d’une énergie affective sur un objet qui se trouve ainsi chargé d’une signification particulière pour le sujet...)

Ceci mis à part pour l’instant, nous nous battons pour que l’enseignement, l’éducation ne soient pas des marchandises ; pour que les écoles, les EPLE, les universités ne soient pas des entreprises.

L’argent dont nous exigeons la dépense pour faire fonctionner au mieux le système éducatif n’est pas un investissement, même si ces dépenses rapporteront à la société et aux individus, en fin de compte, des bienfaits considérables. Cette dépense n’est pas faite, pour le SNES et la FSU, pour faire du profit, mais pour donner les moyens que chaque enfant, quel qu’il soit et quelle que soit sa situation sociale, apprenne, à son bénéfice et à celui de la société, et s’épanouisse, afin de devenir un citoyen libre et une personne heureuse. En revanche, pour les inventeurs de Lisbonne et pour le patronat, les dépenses d’éducation sont un investissement, doivent être un investissement. Cet investissement doit être rentable, le moins cher possible. Et l’objectif d’enseigner tout le monde au mieux est abandonné (Fillon). Les enseignants doivent augmenter la rentabilité de leur travail. Les nécessités de la concurrence imposent les sacrifices qui feront les profits...et les désastres que nous vivons.

Une phrase de cette introduction indique : « dans une conception capitaliste de l’économie de la connaissance, l’éducation devient un marché, source de profit, et les investissements éducatifs doivent dans cette logique devenir rentables ».

Voilà pourquoi je pense qu’il ne faut pas parler d’investissement, mais de dépense utile. Au-delà des mots qui sont très chargés et très puissants, c’est peut-être le problème de fond du débat politique actuel sur le système éducatif : service public d’éducation nationale, ou entreprise nationale d’éducation, service d’intérêt économique générale, dont les missions peuvent être confiées à tous les entrepreneurs « audacieux et modernes ».

Jean-Jacques Le Masson, bureau du S2 des PA.

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