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En débat

Construire une stratégie syndicale … et la mettre en œuvre

mardi 19 février 2008

FSU : il n’est pas trop tard

pour construire une stratégie syndicale … et la mettre en œuvre

Nos adversaires ne s’y trompent pas.

Plus de 5 millions de fonctionnaires, une Fonction Publique et des Services Publics qui fonctionnent plutôt bien, solidement enracinés dans la société et porteurs des valeurs républicaines, des fonctionnaires indépendants, attachés au service de l’Etat, et avec un statut … autant d’obstacles qu’il faut absolument abattre pour construire la société libérale qu’ils sont bien décidés à mettre en place.

Et ils s’y emploient, avec efficacité, utilisant une période qu’ils jugent stratégiquement propice : celle des départs en retraite massifs, pariant que les nouveaux fonctionnaires seront plus malléables, plus perméables au discours libéral (esprit d’entreprise, mérite individuel, compétition …), plus individualistes, moins déterminés que les précédents à se défendre et à défendre la Fonction Publique, ses missions, son rôle dans la société.

Suppressions de postes par dizaines de milliers, refonte de la Fonction Publique, et des statuts, privatisation des Services Publics, désengagement de l’Etat, abandon de missions ou cessions au privé,… tout y passe !

Le Service Public d’Education, et particulièrement le 2nd degré, connaît par cœur ce processus ; il le vit tous les jours car il est un des premier verrous à faire sauter : nombre de fonctionnaires, traditions de lutte, avec des syndicats forts, actifs et représentatifs, ce qui n’est pas le cas dans tous les secteurs.

Pourtant la « machine » à casser la Fonction Publique et les Services Publics rencontre quelques difficultés. Les Français, les « usagers », leur montrent un attachement d’un autre temps, attachement à leurs missions, à la qualité du service, au rôle qu’ils jouent dans leur vie quotidienne, mais aussi à leur rôle social. Plus ennuyeux, ils le disent dans les sondages. Plus ennuyeux encore, ils soutiennent majoritairement, avec une belle constance, les grèves des fonctionnaires.

Qu’à cela ne tienne. On ne va pas s’arrêter à de tels détails.

Et la stratégie de communication qui a largement fait ses preuves il y a un an, repart de plus belle. En martelant l’opinion publique, encore et encore, jusqu’à saturation, sur les privilèges des fonctionnaires, leur nombre bien trop grand supposé entraîner un coût insupportable pour la société, leur immobilisme, leur emploi garanti, leurs statuts, leur corporatisme qui seraient un obstacle à la compétitivité …

Cette campagne politique, qui n’a jamais cessé, est en train de retrouver un nième nouveau souffle, des dossiers du « Point » à celle menée par le ministère qui nous vaut le bonheur d’être invité à participer au grand débat national sur les valeurs, missions et métiers de la Fonction Publique, dans le but annoncé de les redéfinir.

Peut-être vous dites-vous qu’une telle situation, les décisions très lourdes déjà prises, la proximité et l’amplitude des « réformes » annoncées par le gouvernement, mais aussi l’état de l’opinion publique sur la question, constituent un dossier urgent et politiquement important pour le mouvement syndical, voire un terrain favorable pour construire de fortes convergences avec nos concitoyens, un mouvement dans l’opinion, peut-être même un mouvement social, bref, en faire un vrai débat de société ?

Eh bien, vous êtes dans l’erreur.

Les partis de l’opposition actuelle sont presque muets sur la question.

Les grandes centrales syndicales, engluées dans des stratégies peu lisibles et encore en pleine torpeur post-électorale, refusent de se confronter réellement au dossier, laissant ainsi de très larges marges de manœuvre au gouvernement.

Il y a eu pourtant des réactions, parfois fortes, en particulier du mouvement associatif et sur la question des services publics en milieu ruraux ; il y a encore de forts mouvements quand on ferme un bureau de poste, une école, un hôpital ; il y a toujours des luttes dans tel ou tel secteur, sur tel ou tel dossier, par exemple sur les salaires ….

Mais tout cela est encore si loin d’être à la hauteur des enjeux et au niveau des attaques menées par le gouvernement. Mais tout cela prend trop peu en compte la globalité de ces attaques, le remodelage se notre société qui se profile derrière cette politique.

Et la FSU, dans tout ça ?

Première fédération de la Fonction Publique d’Etat, ne syndiquant que des personnels des 3 fonctions publiques, elle est en première ligne ; on peut donc penser qu’elle devrait faire de ce dossier une de ses préoccupations essentielles, ne serait-ce que pour de toutes simples raisons de survie.

Et elle n’est du reste, pas restée inactive, jouant un rôle important dans la construction des appels unitaires aux grèves du 20 novembre et du 24 janvier et dans le fait que la plateforme revendicative commune faisait référence au démantèlement en cours de la Fonction Publique, à la nécessité de défendre ses missions et son avenir ; et elle a joué un rôle déterminant dans le succès de ces journées de grève.

Dans le même temps, on ne peut que constater les limites de sa stratégie, qui sont pour l’essentiel celles des actions unitaires possibles, et que la FSU n’a pas su développer d’initiatives, seule ou dans un contexte partiellement unitaire, ou encore avec une partie du mouvement associatif, pour contribuer à construire ces convergences, ce mouvement d’opinion, qui sont indispensables pour mettre en échec la politique de casse de la Fonction Publique et des Services Publics engagée par le gouvernement.

Dans l’Education Nationale, particulièrement visée par cette politique, même si la gravité des attaques menées est très différente selon les secteurs, les syndicats nationaux, en particulier dans le 2nd degré, mobilisent, mènent l’action … Avec de grandes difficultés à le faire dans le cadre d’une stratégie syndicale fédérale, d’un projet fédéral, et pour cause.

Car aussi bien sur le dossier de la Fonction Publique et des Services Publics, que sur celui de l’Education Nationale, c’est bien de la stratégie syndicale de la FSU dont il est question, ou plus exactement de son … insuffisance.

Pourtant l’attente est réelle, chez les agents de l’Etat, chez les salariés du secteur public, et dans une partie importante de la population. Le sentiment de l’insuffisance de la riposte syndicale aussi. Et des pistes existent.

Vous me pardonnerez de prendre pour exemple l’initiative organisée début février dans la région Languedoc-Roussillon par la (toute jeune) structure FSU Régionale : une réunion-débat, organisée intersyndicalement (Fsu, Ferc-Cgt, Unsa), ouverte au public, qui a réuni un samedi après-midi 150 à 160 personnes, avec la participation de trois « personnalités », Anicet Le Pors, Dominique Decèze et Catherine Bernier-Boissard.

Malgré l’attrait de la plage une des premières après-midi printanières, malgré la concurrence du tournoi des 6 nations, malgré les nombreuses difficultés rencontrés (retrait de FO après un rappel à l’ordre du national, puis transformation de l’Union Régionale CGT – coorganisatrice au départ - en Ferc-Cgt pour raisons « internes »), malgré l’apport numériquement … limité de nos partenaires, cette initiative a été un réel succès, et n’est pas passée inaperçue, y compris dans les media. Succès qualitatif - la richesse des interventions des invités et la qualité des débats - et quantitatif – car si les militants Fsu (en grande partie du Snes) ont rempli près de la moitié de la salle, la plupart des autres étaient des présences spontanées, attirées par le thème du débat (l’avenir de la Fonction Publique et des Services Publics) et par les invités, par la volonté de « faire quelque chose ».

Succès aussi parce que les débats ont su dégager l’essentiel, que je résumerai en 3 formules : « au nom de l’intérêt général », nous sommes dans « l’âge d’or des services publics » et l’appel à faire preuve « d’audace » sur cette question.

Si les 2 premières montrent à la fois la dimension stratégique et politique du dossier, et les pistes à suivre pour l’aborder efficacement et construire de réelles convergences, la troisième interpelle directement notre stratégie syndicale.

Pourquoi ne pas multiplier maintenant ce type d’initiatives ?

Il y a un terrain favorable, des forces syndicales, associatives …, des personnalités, une part de l’opinion réceptive, des agents de l’Etat et des salariés du secteur public en attente. Quels sont les obstacles à ce qu’on en organise dans les prochaines semaines au plan national ? Quelles autres pistes pour construire les convergences et le mouvement évoqués plus haut ? Le temps ne travaille plus pour nous, et la stratégie de nos adversaires est bien en place.

Enfin, comment parler de la faiblesse de la stratégie syndicale de notre fédération sans parler d’Unité et Action ? Car c’est bien notre courant de pensée qui a la responsabilité de la définir et de la mettre en œuvre.

C’est aussi par là qu’il faut prendre le problème, peut-être en partant de loin (je n’aurai pas le manque de tact de parler ici du dernier séminaire UA-FSU qui a difficilement duré ... toute une demi-journée – je n’ai toujours pas complètement digéré les 1600 kms et le réveil à 4h du matin pour assister … à ça), peut-être, et même certainement, en revenant aux fondamentaux. Mais là encore, le temps ne travaille plus pour nous

Chacun sait qu’ « il n’est pas besoin d’espérer pour entreprendre », soyons attentifs à ce que la FSU, elle, ne désespère pas faute d’entreprendre.

Bernard Duffourg

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