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En débat

2012 : année charnière

Mathieu Leiritz

mercredi 7 septembre 2011

Un congrès constitue toujours un moment important dans la vie de notre organisation, réalité dont l’évidence n’est que renforcée par le contexte exceptionnel de 2012.

Contexte politique d’abord, dominé par les rendez vous présidentiel et législatif. Contexte social, marqué par la poursuite des agressions gouvernementales, parlementaires et patronales contre le salariat. Contexte corporatif, enfin, au lendemain des élections professionnelles déterminantes de 2O11, et un an avant le rendez vous de 2O13 qui fixera le nouveau paysage des organisations syndicales représentatives des travailleurs au niveau national.

Si le mouvement syndical n’a évidemment pas à calquer son calendrier sur celui des échéances électorales, il serait néanmoins hasardeux d’en faire totalement abstraction.

Les présidentielles – puis les législatives – représenteront bien davantage que le choc de deux personnalités au second tour, voire même que la confrontation de deux programmes. L’enjeu n’est autre qu’un changement de nature de notre régime social et par voie de conséquence politique, du choix entre l’achèvement – au sens mortifère du terme – ou de la refondation de ce qu’Alain Supiot appelle, après tant d’autres au siècle dernier, la « république sociale ».

Au terme de 10 années de domination de la droite libérale, dont la période Sarkozy n’est remarquable que par la brutale franchise, une nouvelle victoire de leur leader actuel permettrait de mener à son terme la révolution conservatrice opérée à vif en Angleterre et aux EU dans les années 8O. La droite – et le patronat – disposeraient alors du temps long nécessaire – 15 années, presque une génération – pour effacer durablement sinon définitivement les derniers acquis nés des espoirs de la Libération et des luttes victorieuses menées par nos anciens durant les 30 Glorieuses. Etape – ultime ? – de la « thatcherisation » des esprits, la victoire de NS consacrerait une droite national – populiste, sur un modèle européen aujourd’hui en pleine ascension, mélange de nationalisme identitaire, xénophobe et non laïque, d’ultra individualisme libéral pleinement décomplexé, poreux électoralement mais aussi idéologiquement à l’extrême droite.

Faut il préciser que notre système public d’éducation, par ses prétentions égalitaires et universalistes, ses motivations désintéressées car non réductibles au marché, et de surcroît dévoreur de moyens budgétaire au service du plus grand nombre, ne pourra que constituer une cible favorite pour les « réformes » à venir.

L’outil principal – sans doute plus efficace que les réductions budgétaires toujours difficiles à assumer politiquement dans ses traductions locales – en est bien connu, déjà à l’œuvre dans de nombreux pays, et pré positionné tactiquement dans notre Ecole via le supérieur : l’autonomie, et d’abord celle des établissements, ou plutôt, bien évidemment, des chefs d’établissement.

Relativement épargné, car considéré comme un front secondaire, par les réformes structurelles dans les deux derniers quinquennats, le second degré, en cas de nouvelle victoire électorale conservatrice, sortirait profondément modifié, sur un modère européen, de l’application d’une autonomie locale, impliquant pour les personnels l’explosion des protections statutaires en terme d’emploi et de mouvement (par le recrutement local), de carrière et de rémunération (par l’évaluation locale), de métier enfin (par l’évolution des conditions d’exercice et l’adaptation locale des contenus éducatifs aux conditions locales). Les conséquences pour le Snes, dont la syndicalisation repose en partie sur sa capacité à maintenir et renforcer au niveau national les protections statutaires, en seraient immédiates.

La victoire de la gauche ne signifierait certes pas mécaniquement l’arrivée de l’aube après la nuit. Elle permettrait certes un répit pour les salariés, ainsi que pour des organisations syndicales saoulées de coups et contraintes à un agenda essentiellement défensif depuis une décennie.

Encore faudrait il que la gauche politique accepte de renouer avec les règles non écrites du dialogue social à la française, à savoir la prise en compte par le duo exécutif/législatif du point de vue syndical au vu des mobilisations sociales (manifestations et grèves) impulsées par les OS, et donc l’affirmation d’un réel dialogue, aspirant au compromis, comme préalable indispensable à tout projet de réforme. C’est bien le refus par la droite, en l’occurrence bras du patronat et des classes possédantes, de prendre en compte la légitimité démocratique exprimée par la mobilisation sociale -la rue ne gouverne pas – qui engendre une forme de résignation chez les salariés, d’investissement exclusif sur l’alternance politique, au risque d’ailleurs de fragiliser in fine la démocratie en cas d’explosion violente née du désespoir conjugué au sentiment d’impuissance.

Dans tous les cas de figure – et l’on ne peut exclure l’hypothèse d’une installation durable d’une extrême droite puissante, verbalement recentrée et influençant encore plus qu’aujourd’hui la droite dite « républicaine » - le SNES et la FSU doivent publiquement poser les enjeux des prochaines élections, peser sur la campagne sans doute davantage que lors des précédentes échéances, y compris en s’interdisant une quelconque trêve pré électorale dans l’action revendicative, et préparer les collègues à une période post électorale en tous les cas déterminante pour les années à venir.

Le dialogue – difficile – entamé avec les forces de gauche doit donc absolument se poursuivre, tant au niveau national que local. Les fortes divergences qui perdurent entre nos analyses et celles du PS ne doivent constituer ni un élément de blocage, ni un constat indépassable mais une difficulté à surmonter. Il est nécessaire également d’établir des relations a minima d’échanges avec EE – les Verts, que rien sinon l’histoire et la facilité, ne prédestine à reproduire servilement les analyses dépassées d’un SGEN moribond. Si avec le Front de gauche, les convergences sont indéniables, le syndicalisme doit également garder une vigilance devant des formations politiques tentées d’œuvrer d’autant plus unilatéralement qu’elles considèrent avoir reçu un blanc seing tacite sur la base de ces convergences réelles.

Faut il, à ce stade, aller plus loin que le dialogue ? Plusieurs acquis, nés des expériences cuisantes du passé, gardent toute leur actualité. Les salariés n’attendent pas de leurs OS une consigne de vote. Ils souhaitent pouvoir compter sur les capacités de mobilisation et de résistance de leurs OS quelle que soit la couleur politique du gouvernement et de la majorité. En même temps, si la crise venait à s’aggraver, la menace d’alliance droite extrême droite se vérifier, qui peut dire ce que seront les choix de la CGT ou de la CFDT quant à un soutien assumé du camp progressiste. Les leçons de l’histoire ne peuvent être sélectives. Rappelons simplement que le Rassemblement Populaire regroupait certes SFIO et PC, mais aussi la CGT réunifiée et la LDH. Il est trop tôt pour aller plus loin, mais non pour anticiper dans la réflexion.

Matthieu LEIRITZ UA 23/08/11

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