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En débat

La crise sociale actuelle et la panne syndicale

samedi 7 janvier 2006

Par Stéphane Garber

Ce que certains appellent crise sociale pour désigner l’ensemble des événements qui affectent de façon profonde notre société, d’autres, comme la présidente du MEDEF, n’y voient là que l’expression d’un phénomène naturel. Mme Florence Parisot a en effet déclaré que la santé et l’amour étaient précaires et qu’il n’y avait par conséquent aucune raison pour que le travail échappe à cette règle. Ce qui permet de considérer la précarité comme une chose contre laquelle on ne peut rien, ce n’est bien évidemment pas parce que celle-ci participe d’un processus naturel, mais bien au contraire d’une aliénation collective. Serge Halimi a très bien expliqué dans Le Monde Diplomatique du mois d’octobre 2005 que c’est bel et bien l’absence de résistance qui fait rentrer dans la normalité le saccage de pans entiers de notre société. Un gouvernement qui passe sans cesse en force en légiférant par décrets, en évitant le débat au parlement avec l’opposition et qui interprète tout mouvement social comme une incitation à « intensifier les réformes » contribue sans conteste à creuser le fossé qui sépare les gouvernés des gouvernants. Un tel gouvernement conserve-t-il toute sa légitimité démocratique à l’heure où la matraque tend à remplacer le dialogue ?

Goebbels a beau avoir été un monstre pour avoir collaboré au plus grand massacre organisé de l’histoire de l’humanité, il n’en est pas moins l’inventeur de techniques de propagande toujours en application aujourd’hui : parmi celles-ci, la plus célèbre est peut-être la théorie de la seringue, comme on l’appelle en sociologie moderne. Répéter encore et encore, pour que ce qui n’est qu’obscène propagande ait dans tous les esprits force de vérité. Le Canard Enchainé a publié il y a deux ans un article expliquant comment l’Etat détournait tous les ans environ 20 milliards d’euros des caisses de l’Assurance Maladie. En 2003, on peut lire dans les colonnes du Monde Diplomatique qu’en 2002, 160 milliards d’euros de bénéfices sur les entreprises ont été exonérés de prélèvements sociaux. Quel manque à gagner pour les retraites et l’Assurance Maladie ! Mais nos journalistes dociles ne s’en sont guère fait l’écho...et ont préféré marteler le discours officiel. Lorsqu’il était ministre de la Fonction Publique sous le gouvernement Raffarin, Monsieur Renaud Dutreil a lui aussi usé de la théorie de la seringue en affirmant lors d’une réunion de la fondation Concorde, une think-tank parisienne - boite à penser ultra-libérale, que comme le « problème » était que « les gens étaient globalement satisfaits de leurs services publics, il fallait créer un climat » pour les amener à croire qu’on était « à deux doigts d’une crise majeure ». Ce que ne manquent pas de faire nos journalistes soumis en rabâchant le même message à longueur d’antenne et d’articles... : faire peur pour contraindre le peuple à se soumettre et parvenir à le convaincre qu’il doit scier la branche sur laquelle il est assis pour assurer son salut.

Dans ces conditions, la mobilisation syndicale ne devrait qu’en être plus forte pour représenter un contre-pouvoir efficace, pour défendre les droits - et non les privilèges - acquis. Mais face à la force beaucoup capitulent. C’est ainsi que nombreux sont ceux qui sont résignés. Les « A-quoi-bontistes » jugent inutile voire superflue toute action de toute façon vouée à l’échec. D’autres s’impliqueraient volontiers de façon active, mais considèrent que seules des actions violentes et radicales pourraient être utiles face à un gouvernement aux méthodes tout aussi violentes et radicales. Les syndicats leur paraissent par conséquent peu voire pas efficaces. D’autres, enfin, semblent, comme nos gouvernants, être complètement déconnectés de la réalité. Dans un collège des Vosges, à Dompaire, un enseignant à dit : « Pourquoi faire grève ? Les élèves sont gentils, ici ! » Un autre au lycée Malraux de Remiremont, toujours dans les Vosges, s’est écrié : « Mais pourquoi faites-vous grève ? Tout va bien en France ! » Enfin, le sujet de conversation qui animait la salle des professeurs d’un collège parisien au moment de la mise en place des protocoles de remplacements de Robien était « Pour ou contre le string ? »

Même si le manque d’unité des différents syndicats et les querelles navrantes qui n’ont fait que les desservir, ont contribué à aggraver « la panne syndicale », nombreux sont ceux qui ne s’engagent pas parce qu’ils comptent sur les autres pour le faire à leur place, parce qu’ils sont pour l’instant à l’abri et que leur courte vue les empêchent de voir sur le long terme ou parce qu’ils préfèrent ne pas se confronter à une réalité qui risquerait de remettre en cause la quiétude de leur quotidien feutré.

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