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En débat / Fonctionnement du Snes et de la FSU

L’US ET LE SNES OU COMMENT EVOLUER ?

vendredi 24 mars 2006

Pour qui écrit-on ? Pourquoi fait-on un journal ? Quelles évolutions peut on imaginer ? Pour quel lectorat ? Pour quelles finalités ? Selon quelle démarche syndicale ?

La lecture régulière de l’US m’amène à me poser toutes ces questions et bien d’autres que je souhaite développer ici.

Je suis de plus en plus dans la situation du lecteur à peu près lambda, qui suit cependant un peu l’actualité éducative, notamment par le biais de l’animation de la maison des enseignants, mais qui n’a plus toutes les informations en temps réel. Je constate que j’ai de plus en plus de difficultés à comprendre le sens et la portée de ce qui est écrit dans une bonne partie des articles de l’US et du coup je dois faire un effort pour m’y intéresser. Je pense ne pas être la seule dans ce cas.

J’ai donc été amenée à m’interroger et à chercher les causes. Certes le fait de ne plus être dans un établissement complique un peu les choses, mais avec une classe en charge j’étais déjà dans cette situation ou quasiment. J’imagine combien la difficulté à lire les articles proposés peut être encore plus sensible chez les jeunes enseignants qui ont une vision encore plus partielle du système et de leur profession que la mienne, qui n’ont pas connaissance de son histoire, qui, comme tous les autres n’ont pas le temps de s’y intéresser quand ils ne manquent pas de motivations.

Je suis donc partie de ce constat, j’ai lu avec attention les n° de l’US, et j’ai tenté de formuler les idées qui, selon moi, doivent guider d’importantes transformations de notre journal en sachant qu’il n’est somme toute que le reflet d’une pratique, d’une orientation, d’une ambition comme toujours qui doivent elles-mêmes être en phase avec ces axes. . .

Je hiérarchise aujourd’hui ainsi les qualités que devrait avoir notre journal et notre démarche syndicale construits avec et par les collègues qui en font des acteurs essentiels et donc identifiables.

Un syndicat et un journal qui informent la profession et ses lecteurs : C’est pour moi la qualité première, c’est celle qui fonde l’acte démocratique

L’US est-il ce journal où l’information a toute sa place ? Ma réponse est clairement non et de moins en moins. La démonstration est aisée à faire à partir des questions abordées récemment dans les derniers numéros. Evidemment quand je dis information, je veux parler de l’information brute donnée aux lecteurs et non du commentaire sur une information non donnée. J’ai noté que la plupart des articles renvoient pour cela au site. Il ne me paraît pas possible de procéder ainsi ; le site est certes un outil utile à condition qu’il ne dispense pas de donner une information qui peut être synthétisée mais qui doit être donnée d’une façon distincte du commentaire. Quelques exemples issus de la lecture de l’US

1) Le CPE et l’emploi des jeunes : Beaucoup d’articles sont écrits sur le sujet depuis plusieurs US mais s’est-on demandé de quels éléments bruts les lecteurs avaient besoin pour se faire une opinion par eux-mêmes ?

Peut-on considérer que les collègues connaissent la situation d’emploi des jeunes, le droit du travail en vigueur, les contrats de travail existants, les garanties, les recours, les licenciements dans le privé ? Ma réponse est non.

Ont-ils besoin de s’informer sur cette question ? Oui, pour être en mesure de déminer les arguments du Medef

Les trouvent-t-ils facilement dans d’autres journaux ? Oui, s’ils font l’effort et s’ils ont le temps.

L’US doit-elle servir à leur donner cette information ? Ma réponse est clairement oui ; le fait-elle ? Ma réponse est : non (pas assez et pas systématiquement). Pas de rappel des statistiques du chômage des jeunes en fonction des diplômes ; pas de rappels informatifs sur la précarité et les jeunes ; pas davantage sur celui des jeunes d’origine immigrée ; rien de très précis sur les contrats de travail ; Dans un édito, on confond CPE et CNE ; on assimile la précarité dans le privé au CDI dans la fonction publique qui devient dans notre expression un contrat précaire ce qui n’est pas faux quand on le compare au statut mais ce qui crée la confusion dans le débat actuel ; rien sur le coût du travail en France (question complètement sous-jacente dans ce débat et peu évoquée d’ailleurs...

C’était pourtant une bonne occasion de faire progresser la connaissance objective des syndiqués sur ces questions

2) La réforme des ZEP : l’information brute n’est plus donnée et on fait comme si tous lecteurs suivaient tout au jour le jour, y compris ceux qui ne sont pas dans les ZEP ; pour ceux-là au moins il faut informer : court rappel de ce que sont les ZEP (date de création, nombre, Zep et Rep, ce que cela apporte, les évaluations contradictoires, les rapports mais aussi ce qu’en disent les enseignants,... ) ; Il faut aussi donner les termes exacts de la réforme et même si on l’a fait une fois, il faut le refaire car les lecteurs peuvent avoir raté des marches ; l’EP1, l’EP2 .... Ah le sigles ! Nous avons l’art de créer les sigles dès l’apparition d’une réforme ! Les sigles ont remplacé l’info et le lecteur y perd son latin. Quel calendrier d’application ? Dans notre hâte, on ne distingue parfois plus les étapes d’application d’une réforme, si bien que l’on ne sait plus de quoi on parle, de projets, de décisions, de textes ; Traductions dans les établissements, quelles formes cela prend avec des exemples étayés ?

3) l’Europe et les systèmes (dernier dossier de l’US mag). Je me suis dit : tiens voilà une bonne idée. La lecture de la plupart des articles m’ont fait déchanter. On a les commentaires sur des réformes ou sur des mesures qui ne sont pas détaillées ou qui sont données d’une façon rapide ou peu claire. Or la plupart des systèmes évoqués sont peu connus des enseignants : exemple la réforme du système italien ; « les académies » en Grande bretagne.

On finit par comprendre à peu près (rigueur !) de quoi il retourne, mais l’information est si peu précise que l’on a du mal à s’y retrouver. Dans ce cas tout est faussé car on suscite un jugement qui s’appuie non pas sur la connaissance d’un système étranger par le lecteur, mais sur la comparaison qu’il est tenté de faire avec le nôtre.

Les syndicalistes qui s’expriment sont dans l’implicite de la connaissance qu’ils ont de leur système et de leur culture. Dans un article, on ne sait pas qui parle. Résultat on apprend que très peu de chose et on est déçu. On pourrait aussi placer un encadré sur « en savoir plus » comme font certains journaux et renvoyer sur des sites. Il vaudrait mieux concevoir une série d’articles approfondis sur chacun des pays, le lecteur serait moins frustré ; A trop vouloir embrasser, on pratique le survol. Coté syndical aucune info sur qui est qui. Le CSEE qui sait ce que c’est ? Son rôle sans parler des syndicats des pays cités....

4) Les sujets traités dans l’US sont de plus en plus bornés à notre propre secteur, défaut qui n’est pas nouveau mais qui s’aggrave. C’est ainsi par exemple que l’on ne sait rien ou pas grand chose des tenants et des aboutissants du débat sur la lecture dans le primaire qui a donné lieu à une nouvelle circulaire ; Rien non plus sur l’application du LMD que l’on a tant combattu. Ce serait une bonne occasion pour essayer de voir si nos craintes se sont vérifiées ou pas par exemple. On n’a pas trop l’habitude de se retourner pour évaluer le bien fondé de ce que l’on dit à un moment donné. Cela pourrait s’inscrire dans une démarche qui cherche à serrer au plus près la réalité.

5) Un article récent sur les salaires donne une info inquiétante au milieu de tout un tas de commentaires, mais cette info n’est pas développée, pas étayée ; le salaire d’un enseignant serait égal aujourd’hui à une fois et ½ le Smic alors qu’il était (quand ?) de 2,5 ; Cette phrase mérite communication des études, des comparaisons avec les salaires du privé ; il faudrait inverser la proportion entre l’info et le commentaire car ici l’info est plus percutante que le commentaire. Et si elle est vraie, ce dont je ne doute pas, il est urgent de se lancer dans une nouvelle bataille pour la revalorisation ce que je crois nécessaire, perspective qui n’est pas évoquée

6) Sur les promotions à la hors classe les termes des circulaires que l’on combat ne sont jamais cités ; on donne de moins en moins souvent les citations dans le texte, on les raconte et on les commente

7) L’information est déficiente sur la réalité de ce qui se passe dans les établissements, dans les départements, les académies, à l’initiative des collectivités territoriales, sur le plan économique et social.... (pas ou peu de reportages approfondis sur tel ou tel aspect de ce qui vit ou de ce qui change), pas de véritables enquêtes ;

Sur ce plan non plus nous ne sommes pas dans une logique d’informations objectives, outils pourtant indispensables pour que le lecteur se construise une opinion, puisse la faire partager, devienne acteur

Ma conclusion sur ce point est claire : les lecteurs d’aujourd’hui aspirent à la connaissance autonome ; Lorsqu’ils lisent, ils veulent me semble-t-il être mis à égalité avec ceux qui « savent et qui commentent ». L’US doit les aider à mieux connaître l’institution dans laquelle ils exercent , l’environnement économique, social et culturel dans lequel il travaillent et ils vivent.

L’Us doit devenir en premier lieu le journal d’informations diversifiées et les plus objectivées possibles de la profession, sa référence parce que rigoureux : c’est sa première mission ; Le lecteur doit pouvoir faire le constat qu’il trouve dans l’US ce qu’il ne trouve pas ailleurs ou ce qu’il n’a pas le temps de chercher ailleurs ; Cette mission de faciliter l’accès à la connaissance n’est pas dominante dans l’US car les rédacteurs écrivent à partir d’éléments qu’il sont souvent seuls à connaître et qu’il ne transmettent pas. Il faut à mon avis opérer un changement de perspective radical sur ce plan.

Le deuxième axe qui me paraît essentiel et qui doit devenir visible : c’est l’énoncé systématique de nos propositions et de notre projet dans l’US

Ce qui frappe c’est l’absence ou la quasi-absence d’énoncé régulier de propositions dans les articles. Nous disons ce que nous ne voulons pas et nous pratiquons en général l’ellipse sur ce que nous voulons. Il est aisé de repérer ce défaut dans la quasi-totalité des articles ; Au mieux nous écrivons que nous "renvoyons à nos propositions" ; lorsque l’on relate (rarement)une rencontre avec le Ministère, il est dit : « nous avons fait nos propositions », lesquelles ?

Faut-il que sur chacun des sujets le lecteur ait gardé en mémoire tous les détails de ce que nous avons dit et écrit sur le sujet ? Où a-t-il pu en prendre connaissance ? A l’occasion des congrès et de leur préparation ? Dans les motions votées tous les deux ans ? La réponse est dans la question. N’est-ce pas une facilité qui peut parfois cacher un flou dans le positionnement ? Cela pourrait être compris si on expliquait les contradictions auxquelles on est parfois confronté nous-mêmes. Mais on ne livre pas ces difficultés aux lecteurs. Pour des raisons d’actualités, les sujets sont morcelés, ce qui concourt à faire disparaître l’expression d’une cohérence alternative à l’existant et aux projets gouvernementaux. On ne prend plus suffisamment le temps et la peine d’exprimer cette cohérence ; le pourquoi et les fondements de ce que nous voulons ne sont donc généralement pas exprimés. Nous favorisons de ce fait une vision parcellaire de nos enseignements. Les réflexions des observatoires des contenus par exemple ne sont jamais explicitées pour l’ensemble des lecteurs (4 pages à part et réservés). Quand ils le sont parfois sur certaines disciplines, la rédaction est telle que celui qui n’est pas dans la discipline est incapable de comprendre les enjeux. On écrit pour les spécialistes alors qu’il faudrait favoriser une vision partagée.

Cela accrédite l’image d’un SNES gardien du statu quo, quitte à ce que nous pataugions dans des contradictions visibles parfois (notre expression contre la suppression des TPE qui ne prend pas suffisamment le temps de rappeler l’historique de notre point de vue là-dessus a pu donner l’impression d’un SNES disant tout et son contraire -à tort bien sûr- mais ce qui compte, c’est ce qui est compris par celui qui lit à l’instant T et qui n’a pas forcément toute la mémoire syndicale présente à l’esprit). En tout cas cela nous crée des difficultés pour entraîner la profession dans une dynamique pour changer les choses ; Les mobilisations exclusivement contestataires, même fortes génèrent à terme une certaine stérilité par rapport aux ambitions de réforme qui devraient être les nôtres.

La condamnation d’un projet néfaste devrait être éclairée d’une part par la régression qu’il représente par rapport à l’existant mais surtout par la référence argumentée et appuyée à la conception que nous avons de ce qu’il faudrait faire. Notre appréciation, notre appel à la lutte devrait à chaque fois se fonder sur ces deux volets. Il n’y en a généralement qu’un et pas toujours bien argumenté. Si je prends la question des salaires : nous sommes dans la plainte et non dans l’énoncé d’une stratégie pour revaloriser la profession. Cela me semble pourtant urgentissime compte tenu de son déclassement social près de 20 ans après la revalorisation. Mais ce n’est qu’un exemple. Sur le plan des ZEP nous sommes aussi dans la plainte ; quelle conception avons-nous de la discrimination positive aujourd’hui au 21e siècle avec ses 6 millions de pauvres, les échecs qui les excluent, la dévalorisation des diplômes aux yeux de ceux des élèves en difficulté qui intègrent désormais l’idée qu’ils ne servent à rien. C’est tout de même une grande nouveauté ! Que dit-on aujourd’hui de la formation des maîtres, des IUFM ?

L’enfermement accru des US sur le seul second degré, l’insuffisante expression sur les dimensions économiques et sociales des inégalités scolaires, la méconnaissance des problématiques des collectivités territoriales dans ces domaines nous privent d’une efficacité.

Conclusion : pour construire une dynamique, redonner confiance, pour mobiliser, il faut que les US privilégient à côté de l’information, l’expression sur ce que nous voulons à chacune des occasions et se fixent l’objectif de réinsérer des propositions plus sectorielles dans un projet d’ensemble. Il faut aussi, me semble-t-il, faire un travail de mémoire et penser à resituer l’existant dans une évolution d’ensemble et historique, y compris pour rappeler ce à quoi nous avons contribué au cours des années et des décennies. L’existant se comprend aussi à partir de ce qui s’est construit. Nous gagnerions ainsi en efficacité et en adhésion au sens large.

Les US doivent avoir une fonction de défricheur de questions nouvelles, controversées, pas faciles, sources de tensions et de contradictions, de discussions dans la profession et dans la société ; L’US doit être un journal ouvert aux débats sur tous les sujets qui ont à voir avec le métier et avec son environnement économique, social et culturel, avec les problèmes de société

On n’a pas de mal à faire mieux qu’aujourd’hui dans ce domaine : si je résume en forçant à peine le trait, nous donnons la « bonne parole » et on ne sait pas d’où elle vient puisque l’on ne donne jamais à voir et à lire les controverses. L’US est finalement un journal lisse. Il y a peu de questions dérangeantes, peu de questions nouvelles que l’on ne prend pas la peine de problématiser.

la question des banlieues dans sa complexité, urbanisme, logements, trafics, délinquance, mais aussi lien social, attachement des habitants, établissements ghettos, violence, ségrégation spatiale ; les échecs et les réussites...

L’avenir de la planète mériterait un travail y compris sous l’angle d’un questionnement sur ce que l’on donne comme éducation à la jeunesse, sur l’implication des sciences de l’environnement dans nos enseignements.

Autres exemples : la place du droit dans nos enseignements mérite aussi un débat ; pourquoi l’idée qu’il faut faire des études n’est elle plus liée pour une partie de la jeunesse à « avenir meilleur » ? Qu’est ce qui se passe vraiment dans des établissements au public défavorisé ? Pourquoi si peu d’études sur les comportements auxquels les enseignants ont à faire face sauf et à chaud, en cas d’agression comme à Etampes ? La Finlande, la Corée ... sont en tête des palmarès pourquoi ? Comment ? La démocratie dans le service public et la formation du citoyen à une démocratie participative vaut bien une discussion, des interpellations ; ...la place des « minorités » dans notre société, la place des femmes ... questions réglées ? Ne peut-on trouver les moyens d’aborder ces sujets et d’autres ? Les OGM ? L’avenir de l’Afrique ; Les courants artistiques (la rubrique culturelle s’est transformée en une somme d’infos ; Est-ce suffisant ? La place des arts dans les pratiques sociales, dans la cité, dans l’école.... L’école et ses liens avec les institutions culturelles de la cité ? Le planning familial et les jeunes... Faut-il développer l’apprentissage à 14 ans ? Et l’avenir de l’Union européenne, silence après le référendum qui posait pourtant des questions lourdes ? Qu’a-t-on à perdre de tels débats ?

Ma conclusion sur ce point : En étant défricheur de questions difficiles nous susciterons l’intérêt, nous pratiquons une investigation critique et ouverte sur le monde, nous contribuons à construire progressivement du consensus collectif majoritaire exigeant. Quand on tait les controverses, on débouche soit sur du consensus mou, soit sur l’expression de postures non partagées, qui restent extérieures aux syndiqués, ne les concernent plus et entretiennent la passivité, l’indifférence. Gommer la complexité favorise aujourd’hui plus qu’hier le désengagement. Je pense qui plus est que l’on aurait tout à gagner à rendre visible des débats, pour affirmer une démarche de recherche qui s’appuie sur toutes les compétences, qui explore toutes les contradictions dans la transparence. Il faut faire confiance aux lecteurs et à leurs capacités de jugements et de réactions. Enfin et c’est important à mes yeux : exprimer des propositions, savoir anticiper sur des problèmes nouveaux nous permettraient d’imposer notre terrain aux gouvernements qui sont passés maître dans l’art de nous l’imposer en permanence. A cet égard nos combats de 89 comme ceux sur la formation des maîtres, sur la structuration du second cycle sont édifiants et pourraient encore nous inspirer, etc....

Soigner notre argumentation pour valoriser nos propositions et combattre les projets négatifs : s’interdire d’avoir recours à l’affirmation sans argumentation et sans démonstration

Cet objectif est cohérent avec les deux premiers. Le commentaire négatif doit prendre obligatoirement appui sur des faits, des données, sur la connaissance parfaite de l’existant et prendre comme référence nos demandes, nos idées. Toute entorse à cette règle nous met dans une posture qui n’est pas convaincante pour le lecteur. Ce sont des conditions essentielles pour convaincre. On ne parle pas prioritairement à ceux qui sont acquis d’avance et qui, on le sait, sur tous les sujets, sont de moins en moins nombreux. C’est un changement essentiel qui s’est produit au cours de ces 10 dernières années. Plus rien de va de soi.

Aujourd’hui, il faut convaincre sur tout, y compris sur les principes et les valeurs que l’on croyait acquises. L’US fait trop souvent comme si tout le monde pensait la même chose et comme ses militants plutôt encore très homogènes et très marqués par une culture collective de longue date. Il faut donc aussi savoir faire progresser la connaissance et l’argumentation au fil des US et non répéter mille fois de la même façon les mêmes arguments. Cette progressivité doit toujours veiller à ce que les éléments essentiels soient rappelés pour que le lecteur « discontinu » comprenne de quoi il retourne au moment où il choisit de reprendre sa lecture d’un article après avoir délaissé le journal pendant plusieurs numéros.

L’US est trop souvent écrite pour le lecteur « fidèle » et non pour le lecteur « intermittent ». Il faut toujours se demander si le lecteur le plus distant a les pré-requis nécessaires à la compréhension de ce que l’on écrit. Ce n’est généralement pas le cas si l’on se réfère à ce profil ; il faut alors penser en permanence à introduire quelques rappels dans des encadrés ; cette répétition là est davantage porteuse que le rabâchage d’une argumentation qui tourne à vide

L’US doit être pensée et écrite en fonction du lecteur et non en fonction de ce que le rédacteur peut ou veut dire

Les rédacteurs ont par définition déjà intégré pour eux-mêmes des données et des connaissances qu’ils doivent impérativement transmettre, ce qu’ils ne pensent pas toujours à faire. Il ne faut jamais oublier que les enseignants, lorsqu’ils démarrent dans la vie professionnelle ignorent tout ou quasiment tout du statut, du fonctionnement de l’institution, des autres disciplines que la leur. En dehors des classes qu’ils ont en charge, de leur discipline, de leur établissement, ils savent peu de choses. Même quand ils exercent depuis plusieurs années ils ont des difficultés importantes à s’inscrire dans la complexité du système, y compris du point de vue de leurs carrières, de leurs droits etc..

Alors, pour ne prendre que ces exemples, quand on leur demande de protester contre l’abandon d’un système d’accès à la hors classe en vigueur depuis le début des années 1990 qu’ils n’ont pas connu et que l’on ne prend pas le temps de contextualiser la démarche nous perdons sur tout les plans, d’autant que les lecteurs ont des difficultés à comprendre le nouveau système par rapport à l’ancien. Pour le lecteur, il y a deux inconnues de taille. On multiplie ainsi le risque de parler dans le vide, de ne pas combattre efficacement la logique du « et moi et moi » sur lequel les réformes jouent à plein. On ne construit rien de solide et de durable pour fonder une action en faveur d’une modification du rapport de force et d’une revalorisation.

Plus fondamentalement ce qui me paraît grave c’est que du coup on spécule sur une réaction en « aveugle » du syndiqué, on construit une mobilisation sur le mode du « faites nous confiance ». Cette démarche était très visible sur le projet de refonte des corps de la fonction publique ; La connaissance de la grille actuelle est supposée connue. Quand on l’explicite (rarement) on fait comme s’il s’agissait de rafraîchir la mémoire du lecteur alors que nous devrions nous adresser à ceux qui l’ignore. Du coup l’énoncé tout aussi sommaire du projet est tout aussi incompréhensible puisque les points de comparaison manquent. Alors que nous sommes des enseignants, la démarche pédagogique indispensable n’est pas la marque principale de l’US. On ne fait pas appel à la réflexion mais au réflexe : « vous êtes contre ce gouvernement, vous ne pouvez qu’être contre ses projets ». Je grossis le trait évidemment pour me faire comprendre, mais je pense que si ce n’est pas un choix à priori fait par les militants et les rédacteurs, c’est tout de même une des conséquences et un des risques des approches que je décris au travers de quelques exemples. Or nous sommes en décalage avec les collègues et notamment avec les jeunes collègues (voire toutes les enquêtes à ce sujet) qui ont des exigences de rigueur, refusent le « prêt à penser », se méfient des institutions (syndicats compris). S’ils font encore une certaine « confiance » au SNES au moment des élections professionnelles, dans les luttes - et c’est positif-, on sent bien le caractère très aléatoire et superficiel de leur engagement, les hésitations dans la culture syndicale commune, de l’investissement syndical, les fragilités des démarches d’adhésions qui demeurent volatiles.

Rédiger des articles pour l’US, concevoir la cohérence de chaque numéro, des numéros les uns par rapport aux autres doit devenir une tâche au cœur de l’activité syndicale pour les collectifs et pour les rédacteurs, il y va du respect que nous devons au syndiqué

La qualité de ces actes suppose un important travail de réflexion en amont. Moins une question est approfondie par le collectif mais aussi par celui qui rédige, plus l’article est approximatif, plus l’US donne le sentiment d’être faite d’une juxtaposition d’articles. C’est aussi pour tous ceux qui ont des responsabilités un travail de synthèse exigeant. Evidemment il ne peut y avoir de cohérence apparente dans l’US si chacun fait son truc dans son coin et si les débats collectifs ne poussent pas les discussions au bout de leurs logiques pour construire ces cohérences.

Il faut en permanence se mettre à la place des lecteurs, faire l’inventaire de tout ce qu’ils peuvent ignorer, de tous les contre-arguments qui peuvent être avancés par eux, mais aussi par ceux que l’on combat. C’est aussi un travail qui demande de l’anticipation, de l’échange avec les autres rédacteurs -trop d’articles se répètent dans une même US - et on voit souvent que c’est le fruit de rédactions cloisonnées et faites dans la précipitation ;

Evidemment pour cela il faut que chacun hiérarchise ses urgences. Bien rédiger demande du temps. Le lecteur attentif peut facilement détecter les insuffisances d’un article écrit à la va vite. Ce n’est pas qu’une question de style.

Ces quelques éléments se veulent constructifs. Je pense qu’il faut changer l’US assez fondamentalement d’autant qu’il est devenu un des liens essentiels compte tenu de l’affaiblissement des S1.. Les deux formules ont vieilli. L’une, l’US mag, peut-être moins que l’autre. Les éléments que je décris ci-dessus donnent des pistes

Pour résumer je dirais que dans l’US, on doit trouver :

- de l’information sérieuse, diversifiée, accessible, complète, rigoureuse et vérifiée

- des propositions construites et des propositions en cours de construction et d’élaboration avec la participation active et visible des syndiqués

- des argumentations serrées pour convaincre

- des expressions plus équilibrées des syndiqués, des S1, s2, s3, et du s4 (dans cet équilibre là)

- des questions nouvelles et des débats réellement ouverts avec audace (voir ci-dessous)

Il faudrait en résumé faire de l’US un journal d’informations, de propositions et d’idées, de débats et de controverses (dans cet équilibre pour chaque numéro)

L’US est le reflet direct de la vie du SNES ce qui suppose donc aussi des changements de pratiques à tous les niveaux dans un sens qui fasse davantage de place aux syndiqués comme acteurs en capacité de penser, de réfléchir, de contribuer, de construire dans le débat public des points de vue les plus largement communs.

L’Internet devrait y contribuer. Est-ce le cas ? Je nous trouve toujours bien frileux dans ce domaine. Je suis toujours assez étonnée de voir que le SNES n’autorise toujours pas de forums sans modérateurs pas plus d’ailleurs sur le site que sur le site unité et action. Le site ouvert sur le « métier » affichait cette prétention ; ce ne fut qu’une intention : la parole était très contrôlée, et je pense que l’on a perdu ainsi en crédibilité : il fallait envoyer un mail, téléphoner.... Galère ! On reste dans la conception qui fait que toute contribution doit passer par un filtre. On filtre même sur notre site ce qui émane de la direction nationale ce qui fait prendre du retard dans la communication de l’info. Quand les événements vont vite, le site du SNES manque encore de réactivité malgré les progrès faits. Le système reste hyper centralisé alors que l’Internet c’est l’échange en temps réel.

De quoi, et de qui avons—nous peur ? D’être contredits sur tel ou tel point ? C’est la vie ! Qui ne l’est pas ? De voir le SNES critiqué ? On peut toujours se protéger à posteriori ; On peut répondre aussi ; d’autres forums fonctionnent ainsi, cela donne une autre dynamique, un autre signe de confiance.

Je crois aussi qu’il faut réfléchir à l’usage d’Internet comme moyen d’échanges entre les syndiqués mais aussi comme vecteur d’informations rapides arrivant chez l’enseignant. Au rythme où vont les événements, les informations, le journal est en toujours en décalage. Voir à ce sujet les évolutions des quotidiens et des hebdos.

Il faudrait une redistribution entre l’US et l’Internet. Une lettre électronique pensée, régulière, à côté d’ une US qui consacre tout son espace à répondre aux impératifs que je décris plus haut pourrait être une des solutions. Cette lettre pourrait avoir des éditions de « territoires » : secteurs, S1, S2, S3, et S4 ; Tout est possible aujourd’hui avec la technique : on peut ouvrir largement des droits de rédacteurs et d’administration d’un site dans un système. C’est essentiel pour permettre une démultiplication des expressions et favoriser la réactivité. Là aussi c’est une question de confiance dans la démocratie.

Je n’ai pas parlé des publications académiques et départementales. Je n’ai plus la vision d’ensemble mais à la lumière de ce que je peux lire, je pense que les défauts que j’ai pointés pour l’US sont démultipliés ; je pourrais en faire la démonstration. La lecture de ces publications ne nous apprend rien sur le territoire, sur les établissements, sur le rapport aux collectivités..... C’est un problème ancien qui ne s’est pas arrangé avec le temps ; heureusement il y a les facilités de l’alter-mondialisme !! (Excusez cette ironie sur une bonne cause mais elle donne tout de même lieu à du prêchi-prêcha et elle mérite mieux.)

Je pense aussi que cette évolution ne peut que favoriser l’évolution de la FSU qui, si elle joue pleinement son rôle au côté des forces syndicales, continue à souffrir d’une incapacité à fédérer ses composantes autour de projets, de perspectives notamment dans le domaine de l’éducation ; là aussi il n’y aurait qu’à gagner à accepter de rendre visibles les controverses entre certains syndicats dans les syndicats eux-mêmes et aussi dans le journal de la FSU. Je crois vraiment qu’il ne sert à rien de dissimuler les différences d’approches quand elles existent ; c’est au contraire en les exposant publiquement que l’on permet que les syndiqués s’emparent du débat. S’exposer, exposer des points de vue différents c’est un élément essentiel pour de la démocratie. Cela permet d’avancer plus vite et d’acquérir la force de s’affronter si c’est pour construire une dynamique avec tous. Près de 13 ans après la création de la Fsu, je pense que l’on peut soutenir sans risque cette thèse

Une contribution d’une lectrice de l’US

Monique Vuaillat Grenoble, le 22 mars 06

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