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En débat

Contribution au thème 3 : Dépenses publiques et fiscalité

vendredi 5 janvier 2007

Dépenses publiques et fiscalité

Porter nos revendications pour développer et améliorer les services publics, pour les usagers comme pour les personnels, et mettre en débat nos propositions devant la société contraint à poser la question des financements publics, et donc de la fiscalité.

Le texte préparatoire au congrès est décevant quant au traitement de cette question et à la place qui lui est donnée.

Elle n’est en effet traitée que par le biais de la redistribution des richesses et le texte maintient une confusion entre salaires socialisés et impôt, confusion de même nature que l’expression « prélèvements obligatoires » imposée par l’idéologie dominante. Après une introduction technique inutile, les propositions en matière de fiscalité ne sont envisagées que comme une contestation des dernières politiques suivies, tout en concluant que ces propositions relèvent davantage de la justice que de l’efficacité en termes de recettes. Quant à la fiscalité indirecte, elle est certes qualifiée d’injuste et ne devant pas être augmentée, mais la fin du paragraphe qui lui est consacrée lui trouve plutôt des vertus. L’indigence de notre réflexion sur la question fiscale obère pourtant largement l’ensemble de nos revendications et rendent vains nos débats sur les autres questions. Nous devons réfléchir à une remise à plat, non seulement de la fiscalité de l’Etat, mais de notre propre réflexion sur le sujet.

Remarque préliminaire : la fonction redistributive de la fiscalité est d’abord assurée par le fonctionnement de l’Etat et des grands services publics, garant de l’égalité des droits quelle que soit sa condition ; la première et la meilleure redistribution des richesses est dans l’augmentation des salaires - directs et socialisés - et des pensions. L’écrêtement des plus hauts revenus par l’impôt est une conséquence et non un objectif, mais la première fonction de la fiscalité est de financer le fonctionnement de l’Etat - y compris décentralisé - et les grands services publics.

La FSU, en matière de fiscalité, n’a pas à se positionner a priori par rapport à l’existant, mais à définir d’abord son projet, c’est à dire les objectifs et l’orientation stratégique à long terme, dont découleront les propositions plus immédiates et concrètes. Le principe à mettre en œuvre découle directement de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : les dépenses publiques impliquent une « contribution également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés ». Refonder une fiscalité à la fois juste et susceptible de financer la démocratie et les services publics que nous voulons implique de rendre indissociables la qualité de contribuable et celle de citoyen.

Cela signifie en premier lieu une prise de position claire et un combat déterminé contre les projets de prélèvement à la source de l’IRPP, mesure technocratique et discriminatoire qui tend à accroître la distance entre le citoyen et le contribuable quand il faudrait au contraire viser sa disparition : la collecte des contributions est une fonction de l’Etat et ne peut être affermée ; les salariés et retraités ne sont pas des citoyens de seconde zone, en situation de minorité fiscale ; les employeurs n’ont pas à connaître la totalités des biens, revenus ou au contraire situations personnelles et charges des employés ; la promesse d’une « année blanche » est surtout la perspective de réalisations de belles plus-values immobilières ou mobilières, au cours de l’exercice non imposé, pour les plus grandes fortunes.

Nous devons résolument combattre la fiscalité indirecte, à l’exception des taxes dont l’objet principal n’est pas de produire des recettes publiques mais répondent à des préoccupations de santé publique (tabac, alcool) ou de défense de l’environnement (TIPP, écotaxes, etc.). La TVA en particulier, qui frappe plus sévèrement ceux qui sont contraints de dépenser la totalité de leurs revenus, voire de s’endetter, pour satisfaire les besoins les plus vitaux que ceux qui peuvent en épargner une partie, doit être combattue : nous devons viser à terme sa disparition.

La principale recette de l’Etat doit être constituée par une contribution directe, progressive selon les revenus quelle qu’en soit l’origine, acquittée par chaque citoyen majeur. Au contraire des réformes récentes, il convient d’augmenter le nombre de tranches et d’accélérer la progressivité des taux d’impositions au-delà du seuil de revenus permettant la satisfaction des besoins les plus vitaux, sans contrainte d’arbitrage entre ces besoins. L’objection du coût de la collecte de l’impôt pour les tranches les plus basses, qui justifie de priver aujourd’hui près de la moitié des citoyens de ce rôle de contributeur direct, peut être levée par l’acquittement de la contribution symbolique de la première tranche, payée par tous les citoyens, sous forme d’un timbre fiscal au moment de la déclaration de revenus.

Cette contribution directe, véritable refonte de l’IRPP actuel, doit être acquittée individuellement et non plus par ménage, toujours dans le souci d’aller vers l’adéquation citoyen - contribuable, dès la majorité civique. L’impôt par ménage, malgré les réformes successives dans le sens de l’égalité des droits au sein du couple, reste en effet une survivance de l’ancien code civil qui plaçait l’épouse en situation de minorité civique. Cela n’interdit pas de pondérer les revenus imposables par les charges de familles, en prenant en compte les enfants mineurs et le soutien aux enfants majeurs sans ressources ; ces derniers doivent pourtant être pleinement citoyens et donc verser une contribution, même symbolique. Il faut également avoir en tête que cette perspective de remise à plat de la fiscalité n’est pas à isoler d’autres avancées à obtenir, telles que les bourses ou allocations d’études, la refonte d’un statut d’étudiants surveillants ou les pré-recrutements nécessaires dans les grands services publics.

Seuls les hommes et les femmes pouvant être citoyens, une telle réforme devrait aboutir logiquement à la disparition des impôts sur les entreprises, qu’il s’agisse de la taxation des bénéfices ou de la taxe professionnelle. Au contraire des politiques menées depuis des décennies, il est préférable que les entreprises paient l’intégralité de salaires - y compris la part socialisée sous forme de cotisations - revalorisés de façon à ce que chacun puisse vivre des revenus de son travail et bénéficier de véritables assurances contre la maladie, la vieillesse et le chômage et laissent aux citoyens le financement de l’Etat et des services publics, sur la base de l’ensemble de leurs revenus. Naturellement ce point n’a de sens que comme conséquence d’une réforme menée à terme et ne saurait être isolé de l’ensemble. S’agissant du financement des collectivités locales et territoriales, il convient d’inventer un dispositif qui permette d’associer une contribution sur la base des revenus réels et une certaine liberté de choix et d’arbitrages de ces collectivités ; on peut toutefois observer qu’aujourd’hui leurs marges de manœuvres réelles sont de fait très limitées. Il n’est également pas possible de développer ce point ici sans référence au débat sur ce qui doit relever du local et ce qui doit (devrait ou aurait dû) rester de la responsabilité nationale. Si l’orientation générale de cette contribution était retenue, ce point resterait à approfondir.

Le caractère indissociable du citoyen et du contribuable ne constitue pas un lien de subordination ou de causalité simple : c’est un couple dialectique. Si tout citoyen doit contribuer aux dépenses publiques, le fait de contribuer aux dépenses publiques doit conférer la citoyenneté. Voilà qui permet de voir sous un autre jour notre mandat au sujet du vote des étrangers : en remettant à l’honneur le « qui paie décide », fondateur de la démocratie des Lumières, nous déconnectons la citoyenneté de la nationalité pour renforcer l’idée que quiconque contribue aux dépenses collectives doit être partie prenante des décisions politiques associées à ces dépenses. Devenir personnellement contribuable à l’âge de la majorité civique, quels que soient sont sexe et sa nationalité confère la citoyenneté.

Jacques AGNES

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