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En débat

Heures sup, un débat mal engagé

lundi 24 mars 2008

Heures sup, un débat mal engagé.

Revendiquer que les heures supplémentaires soient davantage rémunérées, à la hauteur de ce qu’elles sont dans d’autres secteurs ne me semble pas poser de problème d’orientation syndicale : il est légitime que le SNES revendique que les heures faites soient rémunérées ; il est légitime de lutter pour qu’elles soient mieux rémunérées ; c’est de bonne tactique que de pointer les incohérences du gouvernement, qui n’applique pas à ses personnels ce qu’il affiche comme l’une de ses mesures phares « en faveur du pouvoir d’achat ».

Mais il me semble, sauf erreur toujours possible, que cela n’est pas contradictoire avec nos orientations actuelles : pourquoi dès lors évoquer une nécessaire révision rapide de nos positions sur ces questions ? La réponse est-elle dans le non dit ? Devons substituer cette revendication à celles que nous portons sur l’abaissement des ORS, sur les revalorisations indiciaires ou de reconstruction de carrière ou encore, en commun avec l’ensemble des fonctionnaires sur le pouvoir d’achat de la valeur du point d’indice ? Ce serait pour le coup une véritable révision de position et d’orientation, mais si l’on doit en débattre autant le poser clairement : devons nous nous inscrire dans la logique sarkozienne du « travailler plus pour gagner plus ? Logique toute de façade, puisque, les publications de bilan sur 2007 le démontrent, ceux qui gagnent le plus aujourd’hui ne sont pas les travailleurs mais les rentiers !

Je me permets ici de reprendre un extrait du courrier adressé aux parlementaires par le S3 de Grenoble : « Les enseignants du second degré ont une obligation de service définie par un décret de 1950. Un service d’enseignement à temps complet correspond à ce qu’était un emploi à temps complet à cette époque : une durée hebdomadaire de 45 heures et 3 semaines de congés payés. Une partie des vacances scolaires relevaient alors davantage du chômage technique que de véritables congés : en effet, même versé en 12 mensualités, le traitement annuel des enseignants prenait en compte cette « inactivité », comme on peut le constater en comparant, à qualification égale, les grilles de rémunération et le régime indemnitaire des enseignants du second degré avec d’autres secteurs de la Fonction publique.

Or depuis 1950, les travailleurs ont pu obtenir des réductions du temps de travail en obtenant une quatrième, puis une cinquième semaine de congés payés ; la durée hebdomadaire de référence est passée de 45 à 40, puis 39 et enfin 35 heures. A l’exception de quelques situations qui étaient encore au-delà des obligations de service du plus grand nombre (disciplines artistiques, PEGC, etc.), les enseignants du second degré n’ont bénéficié d’aucune de ces avancées, ni en termes d’abaissement de service, ni en termes de rémunérations.

Dans le même temps, la charge de travail liée à ces services s’est considérablement aggravée. L’accès de tous les jeunes aux établissements du second degré, puis d’un très grand nombre d’entre eux dans les établissements de second cycle a profondément diversifié le public scolaire sur le plan social et culturel. Le fait que la proportion de bacheliers ait plus que doublé en quelques années doit beaucoup aux efforts importants des enseignants qui ont su s’adapter à cette diversité culturelle et sociale et mettre en oeuvre avec succès de nouvelles pratiques didactiques, pédagogiques et éducatives. Le temps nécessaire aux concertations autour de projets d’équipe, de classe, de niveau ou d’établissement a toujours été pris sur un temps « libre » de plus en plus contraint. Les réformes successives ont également alourdi cette charge de travail : refontes régulières des programmes et des instructions officielles, réduction des horaires « élèves » et disparition des dédoublements qui aboutissent à augmenter le nombre d’élèves et de copies, etc.

En même temps que leurs conditions de travail se dégradaient, que le temps et la charge de travail s’alourdissaient, alors que la société connaissait une évolution contraire, les enseignants du second degré ont vu s’effondrer leur niveau de vie. Sous l’effet de la perte de pouvoir d’achat de la valeur du point d’indice, ils sont conduits, comme tous les autres fonctionnaires, à une véritable paupérisation. Depuis plus de 25 ans, en comparant l’évolution des traitements et du coût « officiel » de la vie, chaque nouveau recruté est rémunéré entre 0.7 et 1.2 points de pourcentage en dessous de ceux de l’année précédente : si d’une année sur l’autre, cela ne représente pas une grande différence, au bout de 25 ans cela représente plus de 3 mois de salaire par an !

Cette situation a conduit le SNES, depuis de nombreuses années, à demander que l’alourdissement de la charge et du temps de travail soit compensé par une minoration de nos obligations de service. Dans le même temps, au-delà de notre exigence partagée avec l’ensemble des fonctionnaires du rattrapage des pertes subies et de la garantie de la valeur du point d’indice par rapport au coût de la vie, nous demandons une véritable revalorisation indiciaire et des reconstructions de carrière qui prennent en compte nos qualifications et la pénibilité de nos métiers. »

Aucun débat n’est tabou, à condition de le poser clairement : devons nous abandonner ces revendications et nous inscrire dans la logique que certains nous proposent, qu’il s’agisse du gouvernement ou de certaines organisations politiques ou prétendument syndicales qui ont érigé en monument de « modernité » la somme de leurs reniements et trahisons ? Devons nous nous inscrire dans l’idée que le traitement indiciaire ne doit plus constituer qu’une partie de nos rémunérations, complétées par des indemnités fonctionnelles et des primes « d’efficacité » ? Devons en clair, considérer que le rapport Pochard peut être une base de discussion ?

Le salaire est toujours l’expression d’un rapport de force. Comme l’a déjà souligné Romain Gény dans sa contribution, qu’est-ce qui permet de penser qu’il serait plus facile d’établir le rapport de force nécessaire pour obtenir une revalorisation HS que pour obtenir la revalorisation indiciaire, si ce n’est l’idée qu’il y aurait là un renoncement à nos revendications et un abaissement de nos exigences ? A en juger par certaines réactions de collègues lorsque le S3 de Grenoble s’et contenté de rappeler que les HS étaient « sous-payées par rapport au traitement principal », il me semble au contraire qu’il sera plus difficile de mobiliser sur la rémunération des HS que sur celle des traitements et de la revalorisation en général.

Jacques AGNES

Cet article renvoie aux contribution d’Arnaud Parienty et de Romain Gény dans la rubrique "En débat / Carrières, rémunérations"

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